Reçu il y a quelques temps et un peu oublié sous l’avalanche de CD sortis en 2010 pour le centenaire de la naissance de Django, voilà le troisième et dernier disque en date et en leader du guitariste strasbourgeois Engé Helmstetter. L’hommage que lui rend le Festival Colmar fête le Printemps cette année en lui consacrant sa soirée du mercredi 10 avril prochain est donc l’occasion pour nous de remettre un peu les pendules à l’heure.

Engé est un guitariste manouche qui nous vient d’Alsace. Cette terre de métissage culturel sied bien à sa musique. Issu du swing de Django Reinhardt qui a bercé son enfance et qui coule encore sous ses doigts véloces, le guitariste propose cependant un style et un univers allant au-delà du traditionnel gypsy swing. Inspiré par les musiques du monde, vaste registre incluant la bossa nova et les musiques traditionnelles tsiganes, l’univers d’Engé, résolument jazz, est emprunt de liberté et de vagabondage poétique. Son dernier projet en date, Klezmanouche, mêlant intelligemment manouche, tsigane, jazz et musique klezmer est d’ailleurs à ce titre presqu’une évidence. Logiquement plus tourné vers la composition que le rabachage, il nous propose avec son troisième disque Les rives du fleuve un aperçu de son éclectisme et de sa poésie : instrumentaux côtoient morceaux chantés, romances tsiganes frôlent le swing reinhardtien, bossa-novas et boléros flirtent avec le bop... autant d’influences qui contribuent à forger un style ouvert et généreux, à construire un univers très personnel et finalement cohérent.

Dans son projet intime, Engé est secondé par d’excellents musiciens : son frère Tchatcho swingue comme un beau diable sur le jazz mais retrouve l’esprit des Lakatos sur les csardas, solidement appuyé par le cymbalum de Sorin Gheraliu. Le cousin Railo (guitare) et Gilles Coquard (basse six-cordes et contrebasse) déploient l’autoroute du gros swing (Colérique pulsation, Javotte) ou savent se faire plus aériens (Ishmael d’Abdullah Ibrahim). Quand aux accordéonistes Yves Weyh et le grand Marcel Loeffler invité sur deux titres, ils constituent un excellent contrepoint et un beau complément aux solos d’Engé. Egalement invités, on retrouvera le percussionniste Simon Pomarat (entendu chez Dino Mehrstein) et Frank Wolf, le sax de Biréli ici au soprano sur une reprise de Nougaro (Prisonnier des nuages).

Guitariste indissociable de la scène alsacienne, Engé sera donc l’invité du Printemps de Colmar pour une soirée exceptionnelle où on pourra l’entendre au sein de Klezmanouche et de son quintet Engé avec pour invitée la chanteuse Christine Clément. Ne manquez pas ce musicien rare et bien trop discret !