6ème disque déjà (le premier fut enregistré il y a 13 ans) pour Reinier Voet et son Pigalle 44, excellent groupe dont on ne parle pas assez à mon goût. Si Jan Brouwer, le guitariste d’accompagnement est là depuis le début, pas mal de musiciens dont quelques accordéonistes, se sont succédés au sein du groupe ; cette fois Reinier a fait appel à Jet Stevens, contrebasse et Jelle Van Tongeren, l’excellent violoniste du Hot club de Frank ; ce turn over n’affecte pas l’identité du groupe qui repose largement sur la qualité des compos (7 sur 13) et l’originalité des arrangements du leader (cf ici par exemple la relecture de Songe d’Automne). La rythmique pousse bien et les solistes envoient fusée sur fusée ; des compos ambitieuses donc mais n’oubliant jamais la belle mélodie comme le nerveux la cordonnière qui ouvre le disque, avec Jelle Van Tongeren très en verve au violon, le magnifique My room, ballade tout en retenue où la guitare aérienne de Reinier poétise finement, la belle valse de l’ivresse où guitare et violon s’entrelacent, le subtil Swing 49 avec son exposé espagnolisant, ses questions-réponses enlevées et ses chorus remarquablement construits ou encore la déesse qui sonne comme un standard. Styliste inspiré conjuguant diverses influences dans son phrasé précis et élégant, Reinier privilégie avant tout la musicalité, la sensibilité et la finesse (cf Pour Joseph, dédié au luthier Joseph Di Mauro (le guitariste joue sur l’un de ses modèles), pièce en solo mêlant accents classiques et espagnols). Pour le reste, 3 compos de Django (Vamp, Pêche à la mouche que le groupe se réapproprie intelligemment et un Minor swing quasi méconnaissable, recréé en quelque sorte) et deux morceaux rendus immortels par l’illustre manouche, Songe d’Automne et la danse norvégienne de Grieg, là encore dans un arrangement très personnel. Le groupe a aussi l’art de dénicher des reprises méconnues, ici Abandon de Babik. Bref, voilà un quartet qui sort des sentiers rebattus et qu’on aimerait bien voir à Samois.