Voilà la nouvelle génération de l’école manouche hollandaise dans ses œuvres ; enfin pas tout à fait nouvelle puisque ces trentenaires ont déjà un solide pedigree. Sani van Mullem, contrebasse et Johnny Rosenberg, guitare d’accompagnement, chant, faisaient partie il y a pas loin de 20 ans des Gypsy Kids, fameux trio au sein duquel officiait le très prometteur Jimmy Rosenberg, jeune guitariste qui par la suite connut tellement de déboires personnels qu’il est hélas perdu pour la musique. A la guitare solo, Mozes Rosenberg n’est pas un inconnu ; le jeune frère de Stochelo, qui avait déjà une guitare dans les mains dès l’âge de 5 ou 6 ans, joue aussi dans une formule en trio avec son illustre ainé et Sani à la contrebasse. Chez les manouches la musique est toujours une histoire de famille !
Ajoutez à cela 25 ans de pratique acharnée de l’instrument et vous obtenez ce guitariste stupéfiant de virtuosité et de maturité. On aurait pu penser qu’avec une formule instrumentale identique à celle du trio Rosenberg et une influence évidente du style de Stochelo sur celui de son jeune frère, le Rosenberg van Mullem trio aurait du mal à affirmer une personnalité. Il n’en est rien ou presque. Si l’excellente rythmique, souple et efficace, s’inscrit en droite ligne de celle impériale de Nousche et Nonnie, la comparaison s’arrête là ; tout d’abord parce que Mozes joue la plupart du temps de la guitare électrique, son beau phrasé délié et aérien intégrant des éléments de l’école américaine de guitare jazz. Si dans la fougue de sa jeunesse ses doigts le démangent parfois (beaucoup de notes), ses brillants chorus toujours chantants n’oublient pas la musique en route (cf Strange eyes ou There will never be another you). Ensuite parce que Johnny est aussi chanteur, dans la lignée des crooners que les manouches, en grands sentimentaux, affectionnent. Trois titres, My one and only love (on est ici très loin de Stochelo et de Django !) et deux medleys, I thought about you/moonglow et East of the sun/ it had to be you, où le trio est renforcé par un batteur, permettent d’aérer le tout instrumental avec un soliste constamment à la manœuvre.
Si les standards ricains sont privilégiés, My blue heaven, Stella by starlight, Just one of those things…le trio reprend aussi Viaggio de Galliano, dans une relecture inspirée avec vibraphone et percus en invités, et deux compos de Stochelo, Strange eyes et Fast bop, cette dernière co-signée avec Romane.
A l’écoute de ce CD très convaincant, on peut autant dire que Mozes est le frère de Stochelo que l’inverse !