Nikitov est un groupe moitié new-yorkais, moitié hollandais dont le propos est de réunir deux traditions musicales : la musique klezmer et le jazz tzigane, deux styles qui se sont mutuellement inspirés. Mené par la chanteuse Niki Jacobs à la voix particulièrement envoutante, le groupe permet de retrouver aussi l’étonnant violoniste Jelle van Tongeren. Présents également deux p’tits gars de Brooklin (forcément...!), diplômés de Berklee : le guitariste Adam Good, spécialiste des musiques grecques et turques, et le contrebassiste Jason Sypher plus porté vers un jazz New Orleans.
Le répertoire est composé essentiellement de chansons yiddish traditionnelles, répertoire que Niki Jacobs maîtrise parfaitement : elle le chante depuis dix ans et l’enseigne en Hollande. Sa voix, d’une délicatesse inouïe est magnifiquement portée par des arrangements de cordes très subtils. L’éclectisme de Jelle van Tongeren (aussi à l’aise en classique qu’en jazz...) fait ici des merveilles : ici une mélodie jouée à la tierce vient doubler et mettre en valeur magnifiquement la voix de Niki, là c’est un contrepoint discret mais essentiel qui souligne la délicatesse d’une mélodie. Et que dire de ses envolées ternaires qui se mettent subitement à faire swinguer des mélodies jusque là sussurées à l’oreille... c’est sans doute ici qu’on le préfère, dans un registre de l’inattendu où le jazz vient bousculer un peu la folkmusik...
L’émotion dégagée par ces chansons ne laisse jamais indifférent. Et l’on se prette à regretter que le livret ne dévoile qu’une idée générale du contenu des textes yiddish (ce qui est déjà pas mal, on aurait pu ne rien avoir du tout...). Mais on aurait vraiment aimé disposer d’une traduction complète des paroles que l’on devine très émouvantes. De cette musique ce dégage une indicible souffrance faisant naturellement écho à celle des tziganes, qui on le rappelle périrent aussi par familles entières dans les camps de la mort. Mais au delà de l’exil et de la souffrance, incontestables, on retiendra aussi la résistance, l’espoir et l’amour qu’exprime remarquablement cette musique.
Un très beau disque grave et sincère et gai... Vivant.
1. Sha shtill (L. Kopf) 2’46
2. Shabes (trad.) 3’03
3. Bai mir bistu scheyn (J. Jacobs/S. Secunda) 4’15
4. Bessarabyanka (trad.) 2’52
5. Mayn rue plats (M. Rosenfeld) 3’41
6. Di misinke oysgegebn (M.M. Warshawsky) 2’30
7. Shloimele, malkele (I. Lillian/J. Rumshinsky) 3’06
8. Di krenetse (I. Fefer/S. Polonski) 3’42
9. Umru mayne (M.L. Halpern/B. Jomen) 1’13
10. Az der rebe (trad.) 5’28
11. Yankele (M. Gebirtig) 3’32
12. Reyzele (M. Gebirtig) 2’53
13. Dona, dona (A. Zeitlin/M. Secunda) 4’43
Enregistré en octobre 2003 à Brooklin (NY).