Il faut avoir entendu Jon Delaney en direct pour se rendre compte du son énorme, de l’attaque massive qu’il a su développer. Vraiment. L’intéressé a confié qu’il a appris seul avec pour seuls outils des vidéos sur Internet, un miroir et quelques indices glanés ci et là, comme la haute propension de M. Schmitt à casser des cordes… En somme, voilà un jeu bien velu façonné à l’ère du 2.0 ! On ne peut être qu’admiratif du travail effectué à 25 000 km du berceau du jazz manouche par Jon Delaney. Rares sont les guitaristes de swing manouche, toutes origines confondues, capables de marier de la sorte timbre et puissance.
Certains seraient probablement tentés de reprocher à Delaney, en tant que soliste, de simplement copier une des plus grosses mains droites de l’ouest mais ce qu’on appelle le jazz manouche ne consiste-t-il pas de facto à reproduire (peu ou prou) le jeu du génial Django Reinhardt ? « Distance » a le mérite de proposer une alternative aux courants actuels de la « new school » (comprenez : Bireli Lagrène, l’équipe de Selmer 607, les Doigts de l’homme etc..).
L’atout majeur de Jon Delaney sur cet album réside dans une écriture aux compositions convaincantes et réussies, embrassant pleinement l’esthétique swing manouche alsaco-germanique tout en proposant une couleur personnelle et originale. C’est là que se trouve sans aucun doute la plus grande réussite du disque car reprendre « It Had to Be You », « The Sheik of Araby » ou « Valse à Dora » eut mené le projet dans l’impasse.
Parmi ces réussites, citons par exemple « Like a Tank » et son thème/riff à la rythmique monolithique, « Jon’s Bolero » aux harmonies étranges et rugueuses, une « Ballad for Sal » toute en sensibilité, l’implacable « Swing 1 » ou l’incandescente « Valse »… Le disque comporte 8 compositions sur un total de 11 titres avec notamment une pièce en guitare seule, « Improvisation ».
Le guitariste (jouant ici sur une Favino) est accompagné de Salvatore Greco à l’accordéon, de Sam O’Halloran à la guitare rythmique et d’Enzo Roberto à la contrebasse, n’hésitant pas avec ce dernier à aller jusqu’à l’épure sur « Anniversary Song », une des rares reprises de l’album aux côtés des traditionnels « Me Hum Mato » et « O Dewel ».
Jon Delaney effectue donc depuis quelques années une démarche peu courante, passant d’un jeu contemporain dans la lignée de Pat Metheny à un swing manouche brut de décoffrage, là où les français auraient tendance à faire le chemin inverse.
« Distance » se veut donc un album de caractère, attachant et sans artifices qui ravira les amateurs de swing d’Alsace et d’outre-rhin. Jon Delaney assistera au festival Samois cette année, n’hésitez pas à laisser traîner une oreille du côté de Samoreau…
www.jondelaney.com
* A regarder : le dernier clip en ligne des Furbelows « Hi-Lili Hi-Lo ». Tout simplement magique… https://vimeo.com/123164067
1. Zigeuner Stückchen (Jon Delaney) 3’48
2. Like a Tank (Jon Delaney) 5’05
3. Ballad for Sal (Jon Delaney) 6’28
4. Valse (Jon Delaney) 2’29
5. Me Hum Mato (Traditionnel) 5’48
6. Improvisation (Jon Delaney) 2’49
7. Swing 1 (Jon Delaney) 3’09
8. Les flots du Danube (Iosif Ivanovici) 4’09
9. Jon’s Bolero (Jon Delaney) 4’41
10. Waltz B (Jon Delaney) 3’06
11. O Dewel (Traditionnel) 2’12
Enregistré, mixé et masterisé le 3 février 2014 au Pughouse Studio par Niko Schauble
Label : Pughouse Studios / autoproduction