Ce Lp publié chez Barclay a déjà été réédité dans la collection Jazz in Paris, mais là il est enrichi de 9 bonus dont 4 titres live jamais publiés en CD. Ca parait difficile à croire, mais depuis son retour en France en 1953 jusqu’à ce disque en 62, Stéphane Grappelli connait une véritable traversée du désert, n’enregistrant guère que des disques d’ambiance. Il faut dire que le swing est passé de mode et que le style élégant du violoniste est alors perçu comme old fashioned, comme diraient les grands bretons.
En mars 62 donc, à l’instigation d’un directeur artistique américain, et sous la supervision de Franck Ténot, Stéphane Grappelli retrouve les studios en compagnie de Guy Pedersen, contrebasse et Daniel Humair, batterie, la solide section rythmique de Martial Solal ; à la guitare solo, le suisse Pierre Cavalli (Stéphane et lui faisaient partie du big band d’Eddie Barclay en 57-58) et à la guitare rythmique, Léo Petit, curieusement non mentionné au recto de la pochette alors qu’il figure au verso sur le fac similé de la pochette originale !
Grappelli doit prouver qu’il n’est pas un homme du passé et qu’il peut exister sans Django ; en 56 il a d’ailleurs enregistré « improvisations », disque avec piano-basse-batterie, mais sans guitare ! Avec ce « Django », il ne s’agit donc pas de revenir en arrière mais de retrouver l’esprit du quintette à cordes (cf la version nerveuse de Nuages, jouée comme un standard de jazz, démanouchisée en quelque sorte). Impériale, la section rythmique tourne, et déroule le tapis aux deux solistes très en verve (cf leurs fusées sur Alabamy bound par exemple). Remarquablement boosté par ses petits camarades, Stéphane retrouve sa fraicheur et un plaisir de jouer immense en compagnie de cadors comme Pierre Cavalli, remarquable technicien et improvisateur bien sous estimé (1) ; avec son phrasé au son dur sans vibrato et ses soli incisifs aux accents bluesy (cf le très enlevé « le tien » de sa composition), il se situe plus du côté d’un Elec Bacsik que de Django ; Bacsik qui est d’ailleurs une vedette en France au début des années 60, joue et enregistre avec Barbara ou Gainsbourg, et enregistre aussi deux formidables disques (sur « Guitar conception », disque de 63, il est en compagnie de Daniel Humair et Guy Pedersen !).
Bien sur, on a droit à Nuages, Minor swing ou Daphné mais dans des versions personnelles avec chorus originaux conjuguant inventivité et musicalité, et surtout on est en 1962, donc bien avant que ces thèmes ne soient 1000 et 1000 fois rejoués et enregistrés ! Grappelli interprète aussi les standards qu’il affectionne comme Django de John Lewis ou Pent up house de Rollins qu’il jouera jusqu’à la fin. Ce disque méconnu, qui n’a pas pris une ride, réédité sérieusement avec nouvelles liner notes mais aussi texte original de Franck Ténot, mérite amplement d’entamer une seconde carrière !
En bonus, 4 titres enregistrés en 54 en compagnie d’Emmanuel Soudieux, Mac Kac et Henri Crolla, déjà réédités, notamment sur le coffret » Stéphane Grappelli, the quintessence » chez Frémeaux. Oui pour vous revoir, composition de Joseph Reinhardt enregistrée le 17 octobre 1947 avec Stéphane, Soudieux, Chaput et Joseph figure sur la réédition récente Joseph Reinhardt joue Django, CD supervisé par Michel Lefort. Les quatre titres enregistrés live en 60 et 61 sont un peu plus anecdotiques.
(1) Je vous recommande « The voice of Norma Green, the guitar of Pierre Cavalli », LP sorti en 66
1. Django (J. Lewis) 4’55
2. Nuages (D. Reinhardt) 4’25
3. Alabamy bound (De Sylva / Green / Henderson) 3’30
4. You better go now (R. Graham) 2’51
5. Le tien (P. Cavalli) 3’19
6. Like someone in love (Burke / Van Heusen) 3’32
7. Minor swing (D. Reinhardt /S. Grappelli) 4’05
8. Daphné (D. Reinhardt) 3’19
9. Soft winds (B. Goodman) 3’38
10. Makin whopee (Kahn / Donaldson) 3’29
11. How about you (Burton / Lame / Freed) 3’36
12. Pent up house (S. Rollins) 3’30
Enregistré en mars 62.