Sous la direction avisée de Michel Lefort , organisateur du Gypsy festival d’Angers, qui signe aussi les liner notes (livret de 20 pages illustré des photos de tous les participants), trois générations de guitaristes (de Swan Berger, 12 ans à Béro Landauer qui a la soixantaine), rendent hommage à Django Reinhardt en interprétant 12 de ses compositions. Pilier de cette aventure collective, Claudius Dupont, solide contrebassiste qui assure avec autorité la « pulsation rythmique fondamentale » (dixit Michel Lefort). Aux guitares d’accompagnement, selon les titres, Hervé Gaguenetti, Rudy Debard et Lineker Lemaire, Samy Daussat, Rocky Garcia ou Sébastien Regreny.
C’est Matcho Winterstein, extrêmement rare sur scène et plus encore sur disque, qui ouvre les festivités, avec une relecture inspirée d’Anouman (belle accélération de tempo à mi course), dans un style alsacien-lorrain puissant (Matcho qui est de Nancy, a pas mal croisé les cordes avec les manouches de Forbach et de Strasbourg) n’excluant ni finesse ni élégance. Autre sérieux client ayant lui aussi peu enregistré pour l’instant, Noé Reinhardt ; habituellement à l’électrique, il montre sur Dinette et Hungaria, qu’il est aussi chez lui dans le pur style gypsy à l’acoustique, alternant longues phrases ponctuées d’accélérations toujours maitrisées et jeu nerveux en accords.
Partenaire de tous les grands de la guitare manouche à un moment ou à un autre, le discret Samy Daussat démontre sur Nuits de St Germain des Prés et Are You in the mood qu’il est aussi un soliste de tout premier plan, conjuguant élégance et « liberté de l’appropriation distanciée » pour reprendre la judicieuse formule de Michel Lefort. En dignes héritiers du swing gitano-parisien de la Chope des puces et de son parfum si particulier (clarté de son, respiration, poésie), Mundine et Rocky Garcia relisent Troublant boléro et Artillerie lourde. Guitariste chanteur d’abord ancré dans le blues, Fred Charco s’en tire plus qu’honorablement sur Chez Jacquet, bien propulsé il est vrai par la rythmique impériale de Claudius, Samy et Sébastien Regreny ; Nouvel enfant prodige comme il en apparaît régulièrement dans le style, Swan Berger nous livre une version quelque peu mécanique de Micro. A 13 ans, Levis Adel fait quant à lui déjà preuve d’une musicalité et d’une maturité assez stupéfiantes ; à la guitare électrique, son style conjugue phrasé jazz à l’américaine et lyrisme issu de la gypsy touch. Sur Blues for Ike et Vamp, merveilleuse compo nostalgique de Django, il dialogue avec classe avec David Reinhardt, lui aussi complètement jazz, et chez lequel on retrouve la sensibilité et le son de Babick : chorus inspirés, notes aériennes...ce sont eux les héritiers de Django ! Le disque se termine par Tears, interprété par le régional de l’étape, Béro Landauer, guitariste non professionnel et dernier représentant de ce jazz des caravanes à l’ancienne. Si les hommages à Django fleurissent en cette année du centenaire, celui-là est de toute première qualité.
1. Anouman 5’03
2. Dinette 3’41
3. Blues for Ike 3’48
4. Nuits de St Germain des Prés 3’18
5. Micro 3’00
6. Blues for Ike 3’54
7. Chez Jacquet 2’43
8. Hungaria 2’25
9. Vamp 5’35
10. Artillerie Lourde 3’36
11. Are you in the mood 3’07
12. Tears 3’38