Peu connu sur notre continent, l’excellent guitariste corse Ceccè Pesce a la bonne idée de publier cette année un hommage à un autre grand guitariste originaire de l’île de Beauté : Paulo Quilici. Musicien hors pair et compositeur de petites merveilles souvent à trois temps et hélas un peu oubliées aujourd’hui, Quilici appartient comme Antoine Bonelli à une tradition corse de la guitare qui trouvera sa plus belle expression dans la valse, la mazurka et le tango. Cette tradition guitaristique qui a progressivement disparu depuis les années 80, et à laquelle Ceccè tente de redonner vie aujourd’hui n’est pas sans rappeler celle de Django et de ses disciples : on y joue les valses avec la même passion, la même virtuosité et brillante technique. L’’admiration entre corses et manouches est d’ailleurs réciproque : Paulo Quilici, Antoine Bonelli joueront un temps avec Bousquet, Tchan Tchou et les frères Ferret. Et puis de part et d’autre de la Mediterranée, on sait reconnaître une bonne guitare puisqu’on joue sur Selmer ou Favino !
De son côté, Ceccè Pesce n’est plus un débutant. A 46 ans, il est l’un des piliers d’un des plus importants groupes corses : "I Chjami Aghjalesi" et a participé à plus de 20 albums de musique corse en tant que chanteur, guitariste, arrangeur ou chef d’orchestre. Il s’est produit sur son île, en France, en Europe et même en Amérique du Sud... Au répertoire de son très joli disque E ghitarre di Ceccè enregistré en re-recording, on retrouve surtout des valses, mais également des mazurkas, des balades, un tango... Voilà une bonne occasion de se familiariser avec cette fameuse tradition corse de la guitare. Paulo Quilici est bien sûr particulièrement à l’honneur ; on entendra son "tube", Les guitares à Paulo dans une très belle interprétation, mais aussi des morceaux moins connus comme La corsoise ou en mode mineur la simple et élégante Valse bastiaise ou la magnifique Scala di Santa Regina. Antoine Bonelli lui volerais presque la vedette avec sa superbe, célèbre et virtuose Valse ajaccienne bien dans la tradition musetto-manouche, influence amplement soulignée par les reprises de Guerino (Brise napolitaine), Privat (Mystérieuse) et Django (Montagne Ste Geneviève) qui ne dénotent pas un seul instant dans ce florilège à trois temps. Ceccè Pesce prouve qu’il n’est pas qu’un excellent guitariste (sa technique n’a rien à envier aux manouches..) mais aussi un vrai compositeur en signant quelques jolis titres comme la balade u contrarilosgiu ou surtout L’Emiliana pièce particulièrement passionnée d’inspiration latine.
Voilà donc un disque très réussi qui permettra aux uns de découvrir un guitariste corse de grand talent, Ceccè, et aux autres de redécouvrir un répertoire magnifique qui ne méritait certainement pas l’oubli auquel on l’a un peu trop vite cantonné. Merci M. Ceccè !