Parles nous de ta découverte du jazz et de Django
C’était pendant mon année du bac, au lycée à Moulins, en 1996. Des copains se sont mis à pratiquer cette musique et j’ai suivi le mouvement. J’ai donc découvert la guitare en même temps que la musique de Django.
Un mélomane du coin à pris notre bande en sympathie, il voyant l’intérêt que nous portions à cette musique. Cela l’a amené à organiser un concert avec le trio de Francis Alfred Moerman. Celui ci nous à fait un tour d’horizon de la musique de Django. Voilà mes premiers souvenirs de cette musique et des premiers accords joués…
Qu’est ce qui à fait que tu passes directement au rôle de rythmicien ?
Un peu de fainéantise surement…et puis le fait que la pratique de la batterie m’avait donné plus d’assise rythmique que les autres copains , qui de toutes façons avaient déjà postulé pour les places de leaders… et puis cela m’à convenu comme ça. J’ai bien essayé de faire de la guitare solo mais, un manque de persévérance et peut être, aussi, de talent ont fait que j’ai vite opté pour le rôle de pompiste !
Penses tu qu’il est important de savoir bien accompagner ?
Je pense qu’il faut pratiquer les deux arts… De mon point de vu, j’ai tort de ne pas pratiquer plus le solo. L’improvisation est un art qui pousse le raisonnement musical plus loin. Le parcours traditionnel d’un guitariste est de commencer par accompagner avant de passer au rôle de soliste. C’est bien d’étudier le fonctionnement d’une grille harmonique pour commencer, cela pose de bonnes fondations pour pouvoir aller plus loin si on le souhaite !
Peux tu nous parler des différents styles de « pompe »… ?
Il y à quelques grandes familles qui se différencient en matière de « pompes ».
L’école Alsacienne est une pompe assez lourde et musclée avec les premier et troisième temps bien présents qui « ronflent » bien.
Il y a aussi la pompe Hollandaise qui est plus légère et ciselée avec des tempi plus rapides. Depuis Stochelo Rosenberg les tempos ont eu tendance à monter ! A ces vitesses là on ne peut pas se permettre d’avoir la main aussi lourde !
Il y a des gens qui disent qu’il y à une pompe Parisienne ! Je n’y crois pas plus que ça .
Y à t’il des règles que tu appliques quand tu accompagnes ?
Non. J’accompagne différemment selon le soliste.
Avec Patrick Saussois, nous étions trois accompagnateurs. Il nous demandait une pompe la plus efficace possible avec le moins d’enrichissements possibles. Victorine Martin et moi jouions les mêmes doigtés Nous faisions les accords les plus simples possible sans colorations. Doudou pouvait lui se les permettre de temps à autre. Il était là depuis plus longtemps et il avait le plus de connaissances harmonique. C’était très intéressant et cela s’est prouvé être très efficace !
J’ai joué en Belgique avec Walter Gonella. Il avait appris sur le tard, à la quarantaine je crois, il avait une oreille formidable. Il s’était développé tout un jeu de basses. Quand il accompagnait c’était toujours très enrichi ! Avec lui j’ai appris à utiliser beaucoup de renversements mais à un moment il m’à fallu remettre les choses à plat et retravailler les grilles avec des voicings les plus simples possibles.
Dans la musique de Django, si l’on se référé à sa première période, un accord majeur est joué avec la 6te et la 9ème. De ce fait aujourd’hui quand je joue un accord majeur je le joue 6/9 et an accord mineur je le joue mineur 6. C’est la coloration de base dans le style. De même que sur les accords de 7ème j’utilise beaucoup la substitution tri tonique (Do7 pour Fa#7 et inversement)
Comment apprends tu une grille ? En lisant ? En regardant ?
En général je les apprend d’oreille ! Je sais lire les grilles mais si j’accompagne quelqu’un en lisant une grille, je ne la retient pas ! Je fais alors de la lecture et du coup il n’y a pas mémorisation. Il me faut passer en mode « apprentissage » et écouter pour les retenir ! A mes débuts quand j’apprenais le plus gros du répertoire, je mettais un disque de Django et j’apprenais l’harmonie d’oreille. Du coup quand je joue une grille je ne pense pas aux noms des accords, je les entend !
Quel type de guitare utilises tu ?
Traditionnellement on utilise une guitare à « grande bouche » pour accompagner. Les meilleures guitares pour accompagner que j’ai pu essayer étaient de ce type là. Dans le trio gagnant de celles que j’ai pu essayer il y à deux grandes bouches et une petite bouche. Une était une Selmer et une autre une Gitane ! Personnellement je joue sur une petite bouche. C’est une Bob Holo, un luthier Américain.
Comment l’as tu rencontré ?
J’étais parti en tournée aux Etats-Unis avec Sébastien Giniaux et ce luthier est venu nous présenter son travail. Cela se passait il y à cinq ou six ans et il débutait la lutherie. On à mangé ensemble et je lui ait décrit le son de ma guitare idéale. Il avait été acousticien dans une autre vie et il à pris note de tous mes désidérata.
Je suis retourné aux Etats Unis six mois plus tard et il est venu m’apporter la guitare que je joue encore aujourd’hui. C’était bluffant parce qu’elle produit exactement le son que je lui ait décrit ! J’ai donc évidemment accepté de jouer sur sa guitare.
Initialement j’ai fait le choix de la petite bouche parce que c’est la plus facile à amplifier. La grande bouche part tout de suite en larsen avec les micros cravate que j’utilise.
Bob m’a envoyé une grande bouche que je garde à la maison. Elle sonne très bien mais elle est trop difficile à amplifier.
As tu des préférences en matière de cordes ?
J’utilise des cordes Argentine à fort tirant.
Ce n’est pas une règle absolu. Certains accompagnateurs Alsaciens utilisent ce qu’ils appellent les « tirant Django ». Apparemment à l’époque Django utilisait du 10/45 et non du 11/46 que nous avons comme fort tirant aujourd’hui. A l’époque ils avaient donc le tirant faible d’aujourd’hui mais ils les montaient très hautes. Personnellement j’aime avoir une action plus basse avec un fort tirant de cordes.
Trouves tu que les solistes savent ce qu’ils veulent comme type d’accompagnement ?
En général, non...ou du moins, ils ne le verbalisent pas. Mais de la même manière, je ne vais pas décider de la façon dont le soliste va conduire son solo. Cela me convient ainsi. Je me contente de leur glisser une idée parfois si cela me semble être le moment propice.
Ce qui est sur c’est que je ne vais pas accompagner Angelo Debarre de la même manière que j’accompagnerai Romane. Angelo joue en avant du temps et Romane au contraire est très au fond du temps. Si j’accompagnais les deux de la même manière cela serait catastrophique pour l’un ou pour l’autre.
Et le tempo ?
Si je sens que l’on ralentit ou que l’on accélère j’aurais tendance à pousser un peu ou à retenir selon le cas.
Certains accompagnateurs prennent l’option de suivre le soliste dans un sens ou dans l’autre. S’agissant de moi , il est dans mon tempérament de conduire un peu plus dans ces moments là. C’est peut être une histoire de confiance aussi. Avec le temps j’ai développé une certaine idée de ce qu’est l’assise et le tempo et j’ai plus tendance à l’affirmer aujourd’hui. J’ai remarqué lors de réécoutes que lorsque je n’étais pas en confiance la dynamique était nettement moins bonne !
C’est aussi une question d’une personnalité affirmée ou pas chez le soliste. Je suivrais plus volontiers Angelo et Romane parce qu’ils ont des personnalités affirmées eux aussi.
Quel est le soliste avec lequel tu as le plus appris ?
Adrien Moignard. C’est avec lui que j’ai monté le plus de répertoire durant les cinq ou six ans du groupe Zaïti. D’ailleurs Adrien est un des rares solistes qui sait vraiment bien accompagner. C’est le super soliste que l’on connaît, mais quand il se met à accompagner il le fait entièrement, sans se mettre en avant ! La plupart du temps les solistes tartinent pendant le moment ou ils sont sensés être à l’écoute d’un autre soliste. Adrien sait se mettre au service de l’autre et ça, c’est très rare !
Quels sont tes accompagnateurs de prédilection aujourd’hui ?
Bien sur je pense tout de suite à Hono, comme la majorité des gens. Toutefois, j’ai envie de citer Yayo et Fanto Reinhardt qui ont été des exemples pour moi.
A mes débuts nous pratiquions la pompe ensemble avec des disques de Django. Leur père surveillait notre jeu et nous corrigeait quand c’était nécessaire !
Je pense aussi à Franco Merhstein, Martin Lilmberger, Noutsché…
Propos recueillis en Décembre 2013