Pour son nouvel album, Biréli Lagrène a, une fois n’est pas coutûme, allégé son traditionnel Gipsy Project pour n’en conserver que sa quintessence rythmique avec les incontournables Diego Imbert à la contrebasse et Hono Winterstein à la pompe.
En petit comité, les affaires sont tout de suite plus ardues ; et si Biréli peut être assuré de l’excellence de sa rythmique, impossible en revanche de se reposer sur ses petits camarades en matière de solo. Le trio laisse du pain sur la planche à son leader, et il ne faut pas manquer d’idées ni d’invention.
Ne pas manquer d’idées ni d’invention... la belle affaire, c’est Biréli qui joue. Et là ou d’autres compenseraient quelques petites faiblesses d’inspiration par une accumulation d’effets et de pyrotechnie purement guitaristiques, Biréli ne perd jamais de vue que la guitare est avant tout un jeu, un jeu où l’on doit toujours prendre du plaisir. Et c’est sans doute ce qui frappe le plus à l’écoute de ce disque : Biréli s’amuse. Au fil des plages, il batifole, il taquine, il s’emporte, il feinte, il plaisante, il rigole, il jongle, il frime, il singe, il invente et surprend... Comme cette liberté doit être grisante et comme on aimerait nous aussi, même une heure, être à sa place pour expérimenter un peu de cette facilité où tout parait si simple !
Du côté répertoire, on s’est bien libéré de Django car le tribut payé au génial manouche se réduit à la reprise (bien énervée !) de Micro. Pour le reste, quelques standards habituels du style : Limehouse blues (superbe intro), Tiger rag (très ludique) et Night and day réservant tout de même leurs petites surprises. Quelques compositions : Sir F.D. (jolie balade en forme d’hommage) et une reprise de son Made in France (déjà enregistré en 99 avec Sylvain Luc). Le plus plaisant viendra sans doute du reste du répertoire : on adore le Something de George H(é)rris(s)on qui passe astucieusement à la moulinette birélienne, le Singin’ in the rain magnifiquement swingué et qui donne tellement envie de chanter, tout comme le Lullaby of birdland et son blues discret diablement efficace et très loin de nous endormir ! Très bonne idée aussi d’avoir repris le rarement joué New York d’Eddie Barclay, et le magnifique Soir de Loulou Gasté (avec un doublement de rythme particulièrement bien amené).
La seule faute de gout de l’album est sans doute l’incongrue Be my love avec Roberto Alagna. Non qu’on manque d’apprécier l’exceptionnelle voix du fameux chanteur d’opéra ; mais le mélange lyrique/jazz peine ici à fonctionner, le ténor écrasant malheureusement de son impressionante puissance vocale une très jolie balade qu’il aurait fallu à notre avis laisser s’envoler... Mais il faut dire que la version originale de Kathryn Grayson et Mario Lanza (reprise en français par Luis Mariano) était déjà un peu excessive ! Dommage de conclure sur une glissade un si joli album.
1. Lullaby Of Birdland (George David Weiss - George Shearing) 2:57
2. New York City (Eddie Barclay) 2:32
3. Le Soir (Geo Koger - Loulou Gasté) 4:10
4. Limehouse Blues (Douglas Furber - Philip Braham) 3:44
5. Poinciana (Buddy Bernier - Nat Simon) 3:05
6. Schön Rosemarin / Night And Day (Cole Porter - Fritz Kreisler »Cole Porter) 4:19
7. Sir F.D. (Biréli Lagrène) 2:11
8. Something (George Harrison - George Harrison) 4:54
9. Made In France (Biréli Lagrène) 2:19
10. Singin’ In The Rain (Arthur Freed - Nacio Herb Brown) 3:26
11. Tiger Rag (Harry De Costa »Edwin Edwards »Anthony Sbarbaro - James La Rocca »W.H. Ragas »Larry Shields) 2:47
12. Change Partners (Irving Berlin - Irving Berlin) 4:47
13. Micro (Django Reinhardt) 2:10
14. Be My Love (Sammy Cahn - Nikolaus Brodszky) 3:24
Enregistré au Studio Ferber à Paris du 15 au 21 décembre 2008 sauf (14) enregistré au Studio Davout le 17 décembre 2008.