« L'accordéoniste alsacien Frédéric Schlick vient de nous quitter à l'âge de 71 ans, des suites d'une longue maladie, comme on dit. Il luttait courageusement depuis quelques années déjà contre le mal, sans en parler ni se plaindre, conservant son enthousiasme intact pour la musique et ayant toujours des projets.
Après une vie professionnelle bien remplie (forain) il reprit l'accordéon il y a une dizaine d'années et commença à enregistrer des disques auto produits, un jazz de facture classique dans la lignée de son maître, l'accordéoniste américain Art Van Damme, qu'il rencontra à plusieurs reprise, notamment en 1997 à Castelfidardo en Italie, et qui l'encouragea chaleureusement, cosignant même quelques titres avec lui. C'est Patrick Blanc, à l'époque rédacteur en chef d'Accordéon magazine, qui m'envoya le 1er CD de l'alsacien pour que je le chronique ; je sentis tout de suite que j'avais à faire à un vrai musicien et à un vrai jazzman, un instrumentiste sensible à la belle mélodie et aux belles harmonies, aussi à l'aise sur les ballades que sur tempo vif . Je n'ai cessé depuis de le défendre en chroniquant tous ses disques et en le faisant récemment figurer sur le CD jazz manouche vol 2 chez Wagram avec un titre extrait de son Cd en hommage à Django et Babik. Excepté Accordéon Magazine (il fit la couverture d'un numéro) les gazettes ne se sont pas bousculées au portillon pour parler de lui. Sa musique lisible et agréable, sans esbroufe ni démonstration, n'était sans doute pas assez dans l'air du temps plus sensible aux musiques dites actuelles !
Frédéric Schlick sut toujours s'entourer d'excellents musiciens : Franck Wolf, sax, Didier Hoffmann, batterie, Pilou Würtz ou David Petrocca, basse, Jean-Philippe Rominger ou Jim Grandcamp, guitares. Il enregistra même un CD avec, excusez du peu, Bireli Lagrène et André Ceccarelli, qu'il paya avec ses propres deniers. Ces pointures ne seraient pas venues cachetonner s'ils n'avaient pas reconnu le talent de Frédéric ! On peut simplement regretter qu'ils ne l'aient pas un peu plus soutenu, en l'invitant à jouer en club à Paris par exemple. Il fut davantage reconnu en Allemagne où il se produisit notamment aux côtés de Joe Bawelino ou de Wedeli Köhler (festival Django Mémorial d'Augsburg).
Frédéric Schlick avait de réels talents de compositeur ; ce sentimental avait une prédilection pour les ballades, les mélodies évidentes comme la pluie, qui sonnaient comme de vrais standards et qu'on avait l'impression de connaître dès la 1ère écoute. Infatigable, il baignait dans la musique jour et nuit, ayant toujours plusieurs projets sur le feu. En 10 ans il avait acquis une solide expérience et un métier digne des vieux briscards. Sachant sans doute son temps compté, il enchaînait disque sur disque (une bonne dizaine au total ainsi que deux videos dont une live avec Bireli), espérant à chaque fois qu'il serait remarqué. Il venait de sortir un disque ambitieux avec l'accordéoniste italien Renzo Ruggiéri et un orchestre à cordes. Il travaillait déjà sur le suivant « Schlickstone » qu'il n'aura malheureusement pas eu le temps de terminer. Frédéric Schlick n'a pas eu la reconnaissance qu'il méritait.
Cela viendra peut-être un jour ! ? Maintenant il n'est plus pressé ; au paradis des musiciens il a l'éternité pour voir venir !
Salut l'artiste et merci ! »
Francis Couvreux