Mickaël PAGANO : Vous êtes connus à travers le monde bien qu'il existe très peu d'informations sur vous...
Titi : Stevo nous a formés, mon frère, mon cousin et moi, en tant que chrétiens, en tant que musiciens religieux. Nous avons principalement joué pour l'Église évangélique, et ça ne nous a pas vraiment laissé le temps de nous faire connaître par un autre public.
Stevo : On a fait quelques concerts laïques, mais la plupart étaient cultuels, dans des conventions qui réunissaient 2 000 à 3 000 ou 6 000 à 7 000 chrétiens. Ça fait beaucoup de personnes, mais c'était un public spécifique. Ninine Garcia, que vous avez déjà accueilli, a lui aussi commencé en jouant pour une communauté religieuse. Mais sa famille - son père, surtout - est connue, et La Chope des Puces a pignon sur rue depuis des années : c'est là qu'on va si on veut assister à des « concerts » manouches. Tandis que pour voir des musiciens roms comme nous, il faut entrer dans une église rom : c'est là qu'on a joué pendant une quinzaine d'années ! Et puis on ne veut pas nécessairement publier l'information : on préfère les ambiances « confidentielles », quitte à rester dans l'ombre...
Et ne laisser que la jeune scène (française) faire parler d'elle ?
Stevo : Sanseverino, Thomas Dutronc, -M-, mais aussi des films comme Swing (Tony Gatlif) ou Accords et désaccords (Woody Allen), mettent tous en lumière le jazz manouche. Nous aimons cette musique, et nous aimons tellement la jouer. Qui ne voudrait pas que tout le monde partage sa joie ?
L'engouement récent des gens me rend fier. Hier encore, je regardais un programme sur une chaîne italienne : je suis tombé sur une pub avec du jazz manouche pour bande-son ! Les annonceurs doivent trouver ça festif,gai. La musique manouche a cette spécificité : il suffit d'entendre les trois premières notes pour connaître le caractère d'une chanson. Elle parle.
Plus encore lorsqu'elle est chantée ?
Steeve : La voix est très importante. Elle dit immédiatement qui on est : nos origines, notre culture.
Stevo : Le manouche qui chante des mélodies très longues, pleureuses, on sait tout de suite qu'il vient de Hongrie. Même chose pour celui qui chante avec plus de swing, tendance polka : on devine qu'il a des ascendances polonaises. Quant à nous, dès le premier chant, accompagné par deux guitares et l'âme religieuse, le folklore slave et ses mélodies tsiganes russes, vous allez deviner que nos parents sont nés à Bakou en Azerbaïdjan !
Revenons à l'enthousiasme grandissant du public pour le jazz manouche. En profitez-vous ?
Stevo : Ça nous permet d'être aujourd'hui reconnus comme de vrais
guitaristes et non plus des voleurs de poules ou d'enfants. Faire connaître notre talent, c'est casser les clichés sur les gitans. Du vivant de Django Reinhardt, les gitans étaient bien vus. Je vais oser la comparaison : il était le Michael Jackson de l'époque ! Il ne pouvait pas se déplacer sans être reconnu dans la rue. Désormais, il faut sans cesse rappeler aux gens que nous sommes des musiciens, des chanteurs, des artistes...
De quelle façon pensez-vous faire évoluer la tradition manouche ?
Stevo : On ne se réclame pas uniquement de Django. On s'est effectivement approprié ses musiques. Mais on écoute aussi de la soul : Stevie Wonder, George Benson sont des influences certaines pour Titi. Personnellement, j'aime beaucoup les chanteurs français...
En fait, on écoute de tout. Vous seriez même étonné d'apprendre que je sais qui est et ce que fait M Pokora, non ?! Pourtant, pour faire de la musique, il faut d'abord écouter.
Que pouvez-vous révéler de votre concert à Versailles à vos futurs spectateurs ?
Stevo : On va faire plaisir à Maxime (Lemercier, organisateur de la soirée, ndlr) : on jouera du Django ! Enfin, pas exclusivement ! On reprendra, en quartet, plusieurs standards - histoire de plaire à tout le monde -, et on inclura quelques compositions inédites des Demeter dans nos sets : notamment un morceau magnifique, digne d'une musique de film, que Steeve a écrit pour sa fille, Gina, et une bossa-nova de Titi... Un bon concert en perspective !
Interview réalisée par Mickaël PAGANO
TITI DEMETER QUARTET
en concert le 19 janvier 2007, à 20h,
à la Maison de Quartier de Porchefontaine,
86, rue Yves Le Coz 78 000 Versailles.
Tarif unique : 10 e. Renseignements auprès de Maxime Lemercier : maximeswing2 aol.com