Il existe des disques cultes, « underground », quasi secrets que seuls une poignée d’initiés se transmettent sous le manteau avant des les écouter après minuit, les volets fermés…
Les séances de 1958/59 de Joseph Reinhardt en font, ou plutôt en faisaient partie car elles sont aujourd’hui disponibles pour le plus grand nombre. Qui s’en plaindra ?

A priori personne lorsqu’on consulte le menu ; on y trouve tous les favoris et autres classiques de Joseph « Nin-Nin » Reinhardt :Le sympathique « Bric-A-Brac », un « I know that you Know » survolté, « Sweet Sue » revisitée, les poignants « Manouche », « Triste Mélodie » ou encore un « Mon pote le gitan » à l’atmosphère autoritaire et angoissante. La prise de son signée André Charlin, un des précurseurs (voire l’inventeur à ce qu’on dit) de la stéréo, y participe beaucoup.
On aurait aimé un plus de détails sur le personnage méconnu et pourtant essentiel de Nin-Nin avec pourquoi pas un texte d’Alain Antonietto, qui l’a bien connu et peut-être une indication des dates d’enregistrements plus précises mais ne boudons surtout pas notre plaisir. Ce qui frappe par-dessus tout dans ce disque est l’incroyable densité et la modernité du propos. Des mises en places abruptes, des coups de boutoir balancés judicieusement mais aussi de la sensibilté et surtout un esprit, une atmosphère si particulière…
Bien sûr Nin-Nin n’a ni la virtuosité ni la finesse de son illustre frère mais cela n’enlève rien à son talent, à son style original et sa créativité : ainsi a chaque thème de Django répond un thème de Joseph en fin de morceau.
Ce disque devrait être suivi d’autres parutions puisqu’il est estampillé d’un logo « Gipsy Jazz Memory Vol.1 ».
En somme voici une excellente réalisation de Label Ouest pour un disque indispensable à tout amateur de jazz manouche qui se respecte ! A placer entre d’office entre « Manouche partie », « Tziganskaïa » et « Guitare partie » pour rendre enfin justice à Joseph Reinhardt…