Basé en Alsace, terre de rencontre et de métissage culturel, le groupe Klezmanouche propose une musique où se mêlent influences klezmer, tsiganes, alsaciennes et jazz. Accompagnée de l’accordéoniste Yves Weyh, du contrebassiste Vincent Posty, du guitariste manouche Engé Helmstetter et de son frère violoniste Tchatcho Helmstetter, Astrid Ruff chante en yiddish et en alsacien sur des airs traditionnels tziganes et juifs, ou sur des compositions originales signées d’Engé ou d’Yves Weyh. Ce travail n’est pas sans rappeler celui d’autres groupes comme Bratsch ou Nikitov, et l’on se souvient aussi du magnifique film de Gatlif tourné en Alsace, Swing !, et de sa géniale BO où déjà se mélangeaient de façon très "œucuménique" le shtetl et la caravane, avec le bled en sus... Il faut dire que les deux cultures (tsigane et ashkénase) ont musicalement beaucoup en commun : rythmiques aux basses obsédantes, attachement aux harmonies mineures, ferveur de l’interprétation, goût de l’improvisation... de cette musique se dégage souvent une indicible souffrance. Une sorte de poésie triste d’où l’on retiendra aussi la résistance, l’espoir et l’amour.
La voix d’Astrid Ruff, très cristalline, appartient au registre lyrique : on est loin du jazz, ce n’est d’ailleurs pas vraiment le propos (sauf peut-être sur Hand in hand, très swing manouche), mais son timbre à la technique très sûre sait dévoiler une touchante fragilité dans les balades qui sied particulièrement au répertoire, et un humour qui transparait dans les morceaux plus vifs (notamment dans les parties "improvisées" qui s’apparentent ici plus aux "ornementations" qu’aux véritables impros jazz). Enfin, on est ravi de pouvoir entendre sur ce disque le trop rare Engé Helmstetter (qui signe ici l’instrumental Passade). Guitariste d’origine manouche, son style prend sa source au swing de Django, mais sa musique navigue plus librement entre jazz et musiques du monde (bossa, tsigane...). Avec déjà trois disques à son actif, il est devenu un musicien incontournable de la scène alsacienne et le Festival Colmar fête le Printemps a décidé de le mettre à l’honneur le 10 avril prochain où on pourra l’entendre au sein de Klezmanouche puis de son ensemble tout simplement baptisé Engé.
1. Gekumen fun Poylen yiddish (Y. Weyt/A. Fern-A. Ruff) 3’38
2. Eynzam yiddish (trad. roumain/I. Manger) 2’47
3. Shprayz ikh mir yiddish (trad. tzigane adapté en yiddish) 3’11
4. Passade (E. Helmstetter) 3’08
5. Hand in hand alsacien (Y. Weyh/R. Siffer) 4’15
Enregistrement et mixage : Lioe Blindermann - Métèque Prod Strasbourg
Sortie : 19 janvier 2013