- Affiche - Samois 2004
Un étrange phénomène culturalo-atmosphérique inexpliqué par la communauté scientifique opère chaque année : la date anniversaire de la mort de Django est l'épicentre d'un festival caractérisé par un réchauffement de la planète swing, les verdines sont frappées d'immobilisme près du camping de Samois - où poussent par ailleurs d'étranges champignons en toile synthétique peuplés de boeuffeurs du monde entier. On note encore un taux d'usure des semelles largement supérieur à la moyenne, ainsi qu'une recrudescence de la crampe des zygomatiques parfois couronné par une extinction des cordes vocales de type « Stade de France ». Mis bout à bout, les tronçons d'Argentines cassées en trois jours permettraient sûrement de rallier le Polygone...
Depuis 1973 (20ème anniversaire de la mort de Django), la ville de Samois où - le Manouche maître vécu les dernières années de sa vie - accueille un festival dédié au « swing manouche ». Lieu de pèlerinage et de rencontre incontournable de l'Internationale Djangophile. Amateurs et musiciens du monde entiers y affluent. La scène officielle est le lieu d'adoubement des héritiers de Django. Mais le festival vit peut-être plus encore des innombrables rencontres musicales, bœufs improvisés au camping, sur un coin d'herbe, en bord de Seine ou en terrasse, de tous ces aficionados qui se croisent : ça boeuffe partout et tout le temps.
- DVD - Django Legacy
En 1989, alors que ce genre musical était moins au goût du jour, une équipe britannique décide de réaliser un documentaire sur l'héritage de Django. Le festival de Samois sert de trame à ce film qui en délivre de larges extraits, mais qui suit également les musiciens y apparaissant dans leur lieu de vie habituel (avec Sacha Distel pour narrateur) : mémorable solo de guitare de Stochelo dans son stabilisé hollandais, arrivée de Fapy Lafertin et bœuf accoudé au coffre de sa voiture, un Jimmy Rosenberg qui doit avoir 8 ans et qui joue derrière une guitare plus grande que lui, Gary Potter interprète Manoir de mes rêves à la guitare classique autour d'un très british papier peint, Serge Krief et son fidèle Richard poussent la sérénade sous fond de Sacré Cœur, Babik et Bireli boeuffent sur Ovation au bord de la scène, Boulou et Elios dans l'atelier Favino interprètent Montagne Sainte Geneviève (avec explication de texte à la clef et envolées lyriques de Boulou sur les Feuilles mortes), etc.
Un document extraordinaire, qui nous permet de voir en quoi nos vedettes actuelles avaient déjà posé les jalons d'un style que le « grand » public ne découvrirait que dix ans plus tard. Ces années 1980 sont certainement le lieu de cristallisation de la forme dominant actuellement le swing manouche (témoin le swing de Stochelo), les 20 ou 30 ans de nos guitaristes préférés. On se rend compte, par ailleurs, que l'« école tzigane du jazz » était d'une vitalité extraordinaire : de la part des artistes, évidemment, mais qu'elle avait bien déjà un public diversifié et de tous les âges (les rares plans du public de Samois permettent de s'en rendre compte). Ben quoi, on n'a rien inventé en fait !