Les patrons du Quecumbar (lieu londonien incontournable pour tout ce qui touche le gypsy jazz), S.Rushbrooke, M.Kroll et K.Smith, ont invité en janvier dernier quelques uns des cadors du style pour fêter comme il se doit, le 100ème anniversaire de la naissance de Django Reinhardt, génie du jazz sans lequel cette musique qui touche le cœur des gens partout dans le monde, n’aurait jamais vu le jour . 34 musiciens de 6 pays différents (chacun d’entre eux est présenté dans le livret) se sont succédés pendant une semaine : Fleur de Paris, Sébastien Giniaux, Tcha Limberger, Biel Ballester 3, Kussi Weiss 5t...certains de ces musiciens jouant ensemble sur scène pour la 1ère fois (Ritary-Paulus Schäfer, Lollo-Ritary-Kussi....). Pour des raisons de contrat, quelques musiciens présents (Les doigts de l’homme, Adrien Moignard, David Reinhardt) ne figurent pas, hélas, sur ce triple CD enregistré sans grands moyens mais avec la passion chevillée au corps, restituant quelques uns des meilleurs moments de cette folle semaine, soit 39 morceaux dont quelques interviews (Stochelo, Tcha, Lollo). La France est représentée par deux guitaristes de la nouvelle génération, Ritary Gaguenetti, omniprésent (15 titres dont 4 en duo avec Stochelo) et Sébastien Giniaux (Norig, Selmer 607...) qui, accompagné par la rythmique maison du Quecumbar (Ducato Piotrowski, guitare d’accompagnement et Pete Kubryk-Townsend, contrebasse) montre l’étendue de son talent. Ayant débuté par le violoncelle à l’âge de 6 ans, il est passé à la guitare 12 ans plus tard en autodidacte ; il mêle à l’influence de Django quelques accents classiques et jazz moderne ; ce remarquable compositeur-arrangeur sait aussi envoyer les valses (cf ici sa version de Montagne Ste Geneviève).
Bien sûr, tout n’est pas du même intérêt sur ce triple CD, notamment ces rencontres inédites qui ressemblent à des jams un peu dans l’esprit de celles qui ont lieu à Samois sur les stands de Luthier ou au camping de Samoreau ; ce lieu intimiste qu’est le Quecumbar (moins de 100 places), s’y prête, les musicos, détendus, donnant un set quasi privé au milieu des amis. Mais tous ces standards 1000 et 1000 fois joués deviennent vite pour les solistes (qu’on ne distingue pas toujours les uns des autres tant tout le monde joue un peu pareil) prétexte à mitrailler et les versions trainent en longueur. Si cela permet de passer un excellent moment en club, le passage au disque est beaucoup moins évident. Ce coffret vaut surtout pour l’occasion qu’il nous donne d’entendre des groupes de grande qualité mais sous exposés et qu’on a rarement l’occasion de voir dans notre beau pays, comme les groupes hollandais Lollo Meier, Paulus Schäfer ou Feigeli Prisor ou l’excellent violoniste Wattie Rosenberg aujourd’hui âgé de 25 ans. Citons aussi le trio de l’espagnol Biel Ballester qui joue deux compos originales superbes au parfum latin et à la mélodie imparable, ou le trio de Tcha Limberger ; multi instrumentiste de talent (guitare, clarinette, violon, chant) qui vit depuis un certain temps en Transylvanie où il complète sa formation de violoniste dans le style hongrois, Tcha sait tout faire et bien. Il a la bonne idée de mettre ici à l’honneur les chansons en romanès trop rarement jouées (cf Letchto Gurgo de Schnuckenack ou Djinee tu kowa ziro de Titi Winterstein). Remplaçant au pied levé Vivi Limberger (le père de Tcha), malade, le guitariste Dave Kelbie se fend de chorus inspirés n’oubliant ni la musicalité ni la respiration. Autre grand moment, le set du quintet du guitariste Kussi Weiss, d’autant que ce sérieux client n’a rien enregistré en leader depuis 10 ans ! Sur Close to you, ballade de Burt Bacharach, il montre toute l’étendue de son talent. Hugo Richter (19 ans), nouvelle recrue à l’accordéon, swingue comme un beau diable (cf son chorus sur All of me) ; le set se termine par un Close your eyes effréné ; la classe !Vivement un CD studio ! En attendant ne ratez pas ce coffret !