- Réédition Collection Jazz In Paris
Voilà un disque qui fleure bon son Saint Germain des années 60, d'un Paris So Romantic à vous faire pâmer touristes et rive-gauchards attardés au club. Une batterie balayée d'une caresse, tantôt saisie de tremblements discrets, une ligne de basse qui marche sur ses deux jambes d'un air à vous regarder crânement dans les yeux, mais avec tant d'élégance qu'on sait l'oublier quand il le faut. Le fanatique de la guitare manouche, vous savez, ce style qui n'est pas ci, ni ça, mais plutôt... enfin... non, plutôt comme çà... bon le monomaniaque en quête de définition figée d'une esthétique, a intérêt à être de bonne disposition, sinon il risque - comme moi - de passer à côté d'une merveille. Mais le mélomane et l'amoureux du jazz en particulier, se laissera aussitôt convaincre par l'échange subtil des volutes du sax et du piano, qui dominent certains titres (Anouman, Artillerie lourde). Le guitariste n'est pas en reste, notamment avec un Manoir de mes rêves, où les six cordes (électrifiées, au stimer ? - l'extrait en écoute permet à chacun de se faire son opinion) de Crolla prennent respectueusement le devant et délivrent une monumentale interprétation toute d'élégance et de retenue.
Citons encore Djangologie où quiconque connaît le Django de 1952 comprend la filiation qui unit l'Italien de naissance au Maître. Le reste n'est que fraicheur, partage d'envolées en solo ou à l'unisson d'un piano qui réussit cette gageure que d'être à la fois omniprésent et discret, de deux fidèles compagnons de route de Django, dont les styles ont évolué depuis lors : Rostaing à la clarinette et Ekyan au sax alto ; du Stéphanesque violon sur quelques titres. Le tout sur une assise rythmique à laquelle s'adjoint parfois, en volutes distillées, le vibraphone de Géo Daly. Etrange esprit d'un big band où chaque soliste a son mot à dire, chaque chorus sa marge d'autonomie et d'accompagnement, puis de relève par une formation pourtant réduite qui assure un dialogue incessant entre tous ses membres. Un disque si délicat qu'il me vient comme un arrière goût de remord à ne l'avoir pas compris dès la première écoute... Allez, somme toute, une galette qui fait évoluer une oreille, qui dérange quelques habitudes de vieux garçon (pas question, ici, de pompe ou de Selmer attaquée poigné levé), qui ressuscite une certaine idée du jazz, comme dit l'autre... Quand on sait qu'il a été réédité pour moins de 8 euros, qui plus est, on se django et on court l'acheter.
La réédition dirigée par Daniel Richard pour la série Jazz in Paris (distribuée par Universal) comporte la galette originale de 1958 ainsi que 4 pistes enregistrées en 1956.
Notre ami Django a été enregistré en 1958 par un Henri Crolla entouré d'Emmanuel Soudieux (contrebasse), Hubert Rostaing (clarinette), André Ekyan (sax alto), Géo Daly (vibraphone), René Urtreger ou Maurice Vander qui s'alternent le piano et Pierre Lemarchand ou Al Levitt à la batterie. On a également le plaisir d'entendre le violon de Grappelli sur trois pistes. La formation semble avoir été très modulable selon les titres, les musiciens n'apparaissent pas tous systématiquement. Est-ce à dire que le disque comprenait des pistes issues de diverses séances d'enregistrement ? On pourra trouver des éléments de réponse - et d'interrogations nouvelles - dans une très belle page dédiée à Crolla du (non moins beau) site about-django.com http://www.about-django.com/contemp...
Enfin, les concepteurs de la réédition ont eu la bonne idée d'ajouter à la galette 4 titres, arrangés par Martial Solal, provenant d'un enregistrement de 1956 : Jeepers creepers, What's new, Night and day et Hallelujah dans la formation suivante : Crolla, Solal, Guérin (trompette), Soudieux et Garros (batterie).
- Réédition Collection Jazz In Paris
Morceaux :
1. Swing 39
2. Minor swing
3. Manoir de mes rêves
4. Swing from Paris
5. Artillerie lourde
6. Nuages
7. Djangologie
8. Anouman
9. Swing 42
10. Place de Broukère
11. Jeepers creepers
12. What's new
13. Hallelujah
14. Night and Day