Sympathique guitariste, le camarade Steeve Laffont ne m’avait qu’à moitié convaincu sur ses opus précédents, dans une formule en trio où il est bien difficile de tirer son épingle du jeu et d’affirmer une personnalité, surtout dans un créneau surencombré où le tour de la question a quasiment été fait.
Après le centenaire de la naissance de Django en 2011 la sauce est d’ailleurs largement retombée et la mode semble passée ; et en ces temps difficiles, les disques se font de plus en plus rares et les innombrables héritiers de Django, y compris les cadors, ont très peu de contrats. Difficile d’aller de l’avant, on le sait, dans une esthétique très codée. C’est pourtant le pari que tente Steeve Laffont, infléchissant avec son nouveau quintet, sa musique vers un côté latin inattendu, avec l’excellent Christophe Fournier à la flute sur 7 des 12 morceaux, et le percussionniste Alexandre Velasco sur 4 titres, passant même de manière convaincante à la guitare électrique sur 4 morceaux.
Sorte d’exercice imposé pour stakhanovistes du manche, on a droit à quelques titres en trio n’apportant pas grand-chose aux dizaines voire aux centaines de versions déjà enregistrées de morceaux comme Limehouse blues, Django’s tiger ou My Blue heaven et son accélération de tempo déraisonnable. Si ces morceaux fonctionnent en live, le passage au disque n’est peut-être plus nécessaire. Steeve Laffont est beaucoup plus convaincant sur tempo lent où il laisse la musique respirer, comme sur le très réussi Tenderly, avec une première partie aérienne puis une latinisation du thème et de la rythmique, ou insensiblement dans une version qui, elle, ne l’est pas insensible, conjuguant précision de l’attaque et du phrasé, respiration et sentiment. Ce sont bien sûr les morceaux en quintet à l’univers latino où Steeve Laffont est le plus original ; une démarche qui n’est pas sans évoquer « dawganova », disque du mandoliniste américain David Grisman en 1995, avec guitare, violon, contrebasse et flute ; le groupe y donnait de remarquables versions de Manha de carnaval, tico tico ou Nature boy, titre revu et corrigé ici de belle manière par Steeve Laffont et ses petits camarades, même si son phrasé évoque parfois celui de Stochelo quand il flirte lui aussi avec les rythmes latins. Bonne idée que ces reprises convaincantes de Samba for Carmen de Paquito de Rivera, de Cantaloupe island, Bluesette ou Don’t know why, magnifique ballade qui donne l’occasion à notre guitariste de poétiser finement avec un indéniable sens du groove.
Outre le fait que la flute permet d’élargir la palette sonore, elle évite à Steeve Laffont d’être toujours à la manœuvre ; un titre comme There will never be another you par exemple, prend alors une autre dimension (unisson flute-guitare pour le thème suivi de questions-réponses de belle facture). Voilà un disque varié qui nous surprend très agréablement.
1. Viper’s dream
2. Nature boy
3. My blue heaven
4. Cantaloupe island
5. Django’s tiger
6. Tenderly
7. Samba for Carmen
8. Don’t know why
9. Limehouse blues
10. Bluesette}
11. Ther wil never be another you
12. Insensiblement