Oubliez d’emblée les querelles d’« écoles », les débats esthétiques du genre « Sebadrien Rosenschmitt contre Jimmy Wintersberg » car ce disque n’est ni un disque pour guitaristes ni même un disque de swing manouche … et c’est çà qui est bon ! Inutile de venir ici pour disséquer des plans(même si l’on sait que Samy Daussat en connaît un rayon !)… non, le propos est ailleurs. En revanche si vous voulez tout simplement prendre du plaisir en voguant au gré d’un disque regorgeant de feeling et de belles mélodies alors oui, vous avez frappé à la bonne porte.
Laissons-nous donc porter par cette « Nouvelle vague » et ce projet qui fleure bon les années 50/60. L’on y croise Gene Vincent, Nino Ferrer, Elvis Presley, Burt Bacharach, Serge Gainsbourg… Les reprises de « Retiens la nuit », « Love me tender », « Chez les Yéyés », « Souvenirs souvenirs », « Be-bop-a-Lula », « Verte campagne », « Yeh-Yeh » témoignent d’une réelle sensibilité, d’une approche réfléchie qui éclaire ces œuvres sous un jour nouveau - avec simplicité et fraîcheur - là où la majorité des musiciens du milieu manouche se content de reprendre au premier degré des tubes pop/rock avec un résultat tristement creux…
Seulement, Samy Daussat a du métier et du cœur, ce qui fait toute la différence. Comme à son habitude, il nous gratifie de compositions personnelles, l’un de ses points forts : « Sunday Morning Scopitone » imaginé à partir d’une improvisation vocale du frère de Tchavolo, Gogo Berbédès, et « Yéyé Manouche » aux réminiscences de « Fine and Dandy ».
Côté guitare, Daussat nous prouve une fois encore quel joueur de goût et de talent il sait être : attaque et sonorité, mise en place, développement des chorus… tout est impeccable, exécuté avec cœur et précision.
Le légendaire Tchavolo Schmitt (que Samy a longtemps accompagné) est aussi de la partie, pour notre plus grand plaisir. Soyons francs, le Tchavolo des années 90 aux longues phrases sinueuses et abruptes semble s’éloigner toujours un peu plus… De plus en plus, le guitariste se recentre sur ses gimmicks en privilégiant le son et le swing, ce dernier élément étant peut-être ce qu’il y a de plus précieux et de plus inimitable chez lui. Pour preuve, cette reprise caliente et festive de « Nouvelle vague » qui nous laisse entrevoir une nouvelle facette de Tchavolo : on le savait blues-rockeur ou encore chanteur à ses heures et l’on se met d’un coup à l’imaginer sans peine au sein du Buena Vista Social Club ! C’est sans conteste l’un un des moments forts de l’album.
Tchavolo participe également en tant que compositeur avec la « Ballade à Marie », dédiée à sa compagne Marie-Christine Brambilla. Cette dernière chante d’ailleurs sur « La rue Madureira », reprise d’une bossa de Nino Ferrer. On entendra également Jean-Yves Dubanton pousser de la voix sur « Chez les yéyés » et « Tu parles trop ».
Chaque titre de l’album est éclairé dans le livret du CD d’informations et d’anecdotes rédigées par Max Robin, plume et figure émérite de la galaxie swing manouche qui signe également un texte d’introduction et des portraits de Samy et Tchavolo.
Proposé en digipak, Label Ouest nous propose (encore une fois !) avec « Nouvelle vague » un vrai beau cd comme on les aime : musique, son, livret… Le visuel de couverture sera peut-être diversement apprécié mais la qualité est au rendez-vous. Quel plaisir de voir que la passion peut encore être un moteur en ce bas monde…
Prise de son chaleureuse, ambiance « live », variété des orchestrations (swing, rock, twist, latin, ballades…) et des participants font de « Nouvelle vague » un album étonnamment attachant, de surcroît parfaitement adapté pour la route des vacances. Gageons qu’il saura tout aussi bien nous procurer chaleur et réconfort quand l’hiver viendra.
Enfin, il est fort probable que vous ressentiez l’envie d’appuyer à nouveau sur « play » une fois l’album terminé… C’est sans doute la plus belle preuve de réussite.
1. Yeh ! yeh ! (R. Grant) 4’59
2. Verte Campagne (R. Dehr/ T. Gilkyon / F. Miller) 3’34
3. Nouvelle Vague (J. Leiber / M. Stoller) 4’39
4. Sunday Morning Scopitone (Samuel Daussat) 2’18
5. Love me Tender (M. Vera / Elvis A. Presley) 4’00
6. Chez les Yéyé (Serge Gainsbourg) 3’53
7. L’idole des jeunes (Jack Lewis) 2’52
8. Souvenirs souvenirs (Cy Coben) 2’49
9. La rua Madureira (Nino Ferrer / P. Zambernardi) 4’56
10. Ballade à Marie (Tchavolo Schmitt) 4’45
11. Tu parles trop (E. Melder / R. Hall) 4’37
12. Toujours un coin qui me rappelle (Burt Bacharach / D. Hal) 4’37
13. Be-Bop-a-Lula (Bill Davis / Gene Vincent / Don Graves) 1’54
14. Yéyé Manouche (Samuel Daussat) 2’44
Enregistré les 8, 9 et 10 avril 2013 au Studio ADF-BAYARD Musique par Jean-François Raimbault (assisté de Jean-Michel Davy)