Avec ce nouveau disque, les frères Ferré cultivent une fois de plus l’éclectisme musical qu’on leur connait et qui leur va si bien. Avec un son et une technique de guitare manouche (on joue sur Dell’Arte dans la famille...), les deux guitaristes développent une musique qui dépasse largement le cadre très codifié du swing façon Django. Une musique toujours très improvisée, très jazz, avec son lot de drive et de swing, mais pas seulement.
Car Boulou et Elios, on le sait depuis longtemps, ont le goût de l’aventure. Ce sont ici des incursions très réussies dans la musique classique (beaucoup plus écrite, donc) avec une inclinaison prononcée (et revendiquée) pour les cantates et les contrepoints de Jean-Sébastien Bach (Libre penseur, Invention n°4, Blues for Bach) ; là un étonnant détournement très "folkijazzant" du très "Swinging London" Ruby Tuesday des Rolling Stones. Ou là encore une triste berceuse portugaise joliment abandonnée aux invités de luxe du disque.
Car ces invités ont du métier, de la classe... et du charme. C’est d’abord le pianiste Alain Jean-Marie dont on peut une fois de plus apprécier le jeu très bop sachant se faire délicat quand il le faut. Le géantissime Pierre Boussaguet au toucher si précis et dont l’a propos des chorus est tellement évident. Et surtout la formidable trompette de Stéphane Belmondo : un son de rêve, un swing contagieux, et une façon très personnelle de se placer apportant un équilibre inédit et excitant à la formation inhabituelle. Oui, l’équilibre est frappant dans cette musique. Et touchant... Une gageure pour une formation réunissant trois instruments polyphoniques.
Enfin, on pourra noter le soin apporté aux compositions (dûes en grande partie à Elios Ferré...). Les thèmes sont magnifiques, les citations, un mode d’expression chez les Ferré, toujours bienvenues, et l’écoute et la réactivité entre les musiciens toujours saisissantes.
Un disque de toute beauté. D’une beauté sereine.
1. Jamais sans mon rêve (E. Ferré) 6’28
2. Parker 51 (J. Raney) 8’37
3. Ruby Tuesday (M. Jagger/K. Richards) 4’17
4. Libre penseur (E. Ferrré) 4’25
5. Cançao de embalar bonequinhas pobres (F. Lopes-Graça) 1’48
6. Invention n°4 (J.S. Bach) 1’19
7. Blues for Bach (E. Ferré) 7’49
8. NHOP (P. Boussaguet) 5’08
9. Soir de Paris (E. Ferré) 6’50
10. De Moscou à Odessa (B. Ferré) 4’13
DVD-Vidéo :
Jamais sans mon rêve (E. Ferré)
Enregistré au studio La Buissonne en mai 2005.
Boulou et Elios Ferré jouent sur guitares Dell’Arte.