Cadet d’une célèbre fratrie de guitaristes gitans qu’on ne présente plus, Sarane Ferret eut l’audace de réussir à se faire un nom dans l’ombre titanesque de Django Reinhardt.
Après avoir accompagné les accordéonistes au banjo, puis joué dans les cabarets russes de la capitale, il découvre le jazz et une nouvelle façon de pratiquer la guitare en écoutant le génial manouche qu’il rencontre en 1931. Après l’avoir accompagné, et même remplacé un soir de septembre 1939 au Kilburn Theater de Londres (Django ayant précipitamment regagné Paris, effrayé par des rumeurs de guerre imminente !), Sarane va donc décider en 1941 de former son propre ensemble, le Quintette de Paris. Quintette qui aura un réel succès dans cette période troublée que sera l’occupation. A ses côtés, on entendra de remarquables musiciens (dont certains déjà entendus chez Django...) comme le clarinettiste André Lluis, ou encore l’exceptionnel Georges Effrosse, violoniste hélas dramatiquement disparu en déportation au camp d’extermination de Dora en 1944.
Si le jeu de Sarane Ferret n’a certes pas l’aisance et la finesse incomparable de celui de Django, il faut lui reconnaître cependant une invention considérable, un sens du lyrisme très personnel ainsi qu’une sensibilité typiquement tsigane qui ne font que confirmer, pour Alain Antonietto l’existence d’un jazz gitan, courant parallèle mais bien distinct de celui de Django. Sarane était également un remarquable compositeur, comme en témoigne son magnifique titre Royal Blue à la mélancolie particulièrement singulière.
La présente ré-édition chez ILD nous restitue ici les fameuses faces Odéon de 1941-42 précédemment éditée en vinyl en 1986 chez CBS par Alain Antonietto et qui devenaient un peu difficile à se procurer (en dépit d’une édition CD fin 90 sur un obscur label...). On y trouvera aussi, et à notre connaissance il s’agit d’une pemière, deux faces de 1943 chez Rythme-Fumières, deux faces de 1947 chez Pacific et quatre plages de 1956 chez RCA dont le personnel reste hélas inconnu.
Enfin, le livret de 12 pages est fait sérieusement, avec plusieurs photos de Sarane Ferret (même si on les a déjà vues ailleurs) et surtout un commentaire très éclairé de quatre pages signées Patrick Saussois. Et la jolie pochette est aussi une raison de plus de se procurer cet excellent cd dont l’édition fait un peu évènement, en attendant la compilation très attendue des frères Ferret chez Frémeaux...