Le nouvel album du Gonzalo Bergara Quartet, Simplicated, tire son nom d’une constatation assez philosophique du guitariste sur "les choses supposées être très très simples qui deviennent incidemment très très compliquées"... Et pourtant ! A l’écoute de ce nouveau disque du quartet, on a bien envie de prendre señor Gonzalo en défaut, car faire de la bonne musique ne semble jamais avoir été aussi simple : quelques belles mélodies, arrangées avec inspiration par des musiciens enthousiastes, et le tour est joué.
Gonzalo, qui rappelons-le nous avait déjà entièrement conquis dès son premier album confirme ici en beauté son talent et sa distinction dans le petit monde du jazz manouche. Car ils ne sont pas nombreux à pouvoir aligner ainsi dix compos sur dix titres... et quelles compos ! Aux influences de Django, du jazz et des airs argentins qu’on retrouvait déjà dans Porteña Soledad s’additionne aujourd’hui une inspiration plus classique, qu’on pourra aller chercher du côté de Bach et des impressionnistes, et qui transparaitra dans quasiment tous les titres : le style s’affirme, et le pont du thème de Gonzalogie donne tout de suite le ton !
Les arrangements sont particulièrement soignés : les morceaux sont construits et évoluent au fil de l’écoute. Gonzalo se pose ainsi en véritable architecte de sa musique qu’il arrive à faire vivre en dosant savamment structures écrites et improvisation : le magnifique La muerte de un lobo bueno , On a bad day tout comme le très beau tryptique Una primavera equivocada qui conclue l’album rendent parfaitement cette impression de musique à la fois travaillée et vivante. A ce titre, la cohésion du groupe est impressionnante : on a affaire ici à un véritable ensemble dont chaque élément indispensable travaille pour la musique. Gonzalo est d’ailleurs à mille lieues de toute pyrotechnie : jouant tantôt au médiator, tantôt aux doigts, il fait peser chaque note avec beaucoup de discernement, et ne dédaigne pas s’envoler dans des traits virtuoses et modernes... ou bluesy. On insistera aussi sur le jeu admirable de Rob Hardt, dont on adore le son velouté à la clarinette. Il constitue un parfait alter ego à celui du leader : ces deux-là se sont compris depuis longtemps !
Simplicated est un album tout simplement magnifique. On ne saurait que trop vous le conseiller : c’est ce qu’on a entendu de mieux dans le genre depuis longtemps. Gonzalo y apparait certes comme un guitariste d’exception, mais surtout comme un musicien passionnant...