Enregistré en mars 2009, le dernier album de Patrick Saussois nous propose une relecture de l’œuvre de Burt Bacharach. Relecture assez impertinente, car le répertoire de Burt Bacharach, pianiste et compositeur américain pourtant incontournable n’a jamais été très prisé des jazzmen. Créateur avec le parolier Hal David auquel il était souvent associé d’un nombre incroyable de succès populaires depuis les années 60, Bacharach s’est surtout exprimé dans la chanson pop et la musique de film. Qui n’a jamais fredonné Raindrops keep fallin on my head (du film Buch Cassidy et Sundance Kid), Don’t make me over (chantée en 62 par Dionne Warwick), The look of love ( du James Bond de 67 Casino Royale), ou encore I say a little prayer (Dionne Warwick, encore et aussi Aretha Franklin en 68) ? La liste des tubes de Bacharach est interminable...!
Régulièrement reprises par des artistes de rock ou de variété, ces chansons ne sont que rarement adaptées pour le jazz. Et à l’écoute de ce disque d’hommage au compositeur prolixe, on se dit que c’est un peu dommage. Car ce qui fait la force des chansons de Bacharach, et qui a sans nul doute séduit Patrick Saussois, c’est avant tout leur grande qualité mélodique.
L’intimité de la formule choisie, orgue/guitare/batterie (une des formules préférées des guitaristes, de Montgomery à David Reinhardt en passant par René Thomas...), rend parfaitement hommage à la musicalité de ces morceaux inoubliables. Une attention particulière est donnée à l’exposition des thèmes, et les improvisations ternaires de Rhoda Scott et de Patrick Saussois éclairent d’un jour nouveau l’harmonie et la délicatesse des romances du pianiste américain. On appréciera également l’excellente prise de son ainsi que l’évidente complicité unissant le guitariste et l’organiste, prolongement de l’amitié que ces deux musiciens entretiennent depuis de longues années.
Enregistré en mars 2009, soit quelques mois avant le tragique accident qui frappera Patrick Saussois, ce disque est forcément précieux. Avec cette nouvelle musique qu’il nous offre depuis son lit de convalescence, il nous manque un peu moins et on l’encouragera encore d’avantage dans ses progrès vers la guérison.