Pour leur troisième collaboration, toujours très attendue des afficionados de bonne guitare, Romane et Stochelo Rosenberg ont définitivement choisi l’éclectisme et le mélange culturel. Un peu difficile, d’ailleurs, de s’y retrouver au milieu de ce foisonnement de styles et de cette pléiade d’invités. Mais si l’album manque incontestablement d’unité, il nous réserve tout de même quelques bonnes surprises. On a beaucoup aimé la participation du Quatuor Story (violon/alto/violoncelle) et de Serge Forté (piano) sur trois titres d’inspiration sud-américaine arrangés par le formidable Marc Michel Le Bévillon et déclinés en trois temps : la bossa-nova (Brazilian breeze), la salsa (Salsa guitar avec de beaux solos piano/guitare) et le tango (saupoudré de salsa cubaine) avec Tangolero sur lequel le très inspiré Daniel Colin vient assurer le thème et la passion au bandonéon. On retrouvera d’ailleurs l’accordéoniste décidément très en verve sur un hommage à Brassens (For Brassens) et sur une jolie valse intimiste, Lueurs dont la délicatesse rappelle par moment Piazolla. Les plages enregistrées avec Sansévérino et son comparse Hervé Legeay (et la complicité des frères Reinhardt à la rythmique) nous ont bien fait rire... Retour au rock, aux tatouages et bières avec guitares saturées et pédale wha-wha. Le thème "chevelu" de Guet-apens tient de la gageure : les bends furieux et crunchy d’un Sanseverino fumasse viennent défier les envolées jazzy et aériennes du soprano de Stéphane Guillaume ! Les solos très manouches de Romane et stochelo mettront tout le monde d’accord. L’ex-voleur de poule scatteur remettra le couvert pour terminer l’album sur Wild ride au titre particulièrement bien choisi. Deux autres invités apportent leur pierre à l’édifice : l’incontournable comparse de Romane, Christophe Cravéro, au piano sur Tribulations (joli swing aux accents "trénésien" qui ouvre l’album), mais également à l’alto en re-re sur la balade hélas un peu fade Indigo. Les interventions de Didier Lockwood sont d’un autre tenant : Phase bop s’envole littéralement et tire la fine équipe de guitaristes vers le haut : ça bope en diable ! Fragilidade, bossa au demeurant ultra classique est l’occasion pour nos trois solistes d’exposer de beaux chorus. Tribulations n’atteint sans doute pas les sommets de raffinement et de complicité d’Elégance et de Double jeu. C’est en revanche amusant d’entendre le duo dans des contextes culturels très différents (rock, bossa, salsa, bop...), et l’album réserve de toute façon suffisamment de surprises justifiant son écoute... Mais pourquoi n’avoir pas enregistré un album complet d’inspiration sud-américaine avec le Quatuor Story et Serge Forté... ? On eût assurément adoré l’idée !
Enregistré les 2, 9, 10 et 11 juillet 2008 au Studiios Melodium (Montreuil) et le 10 septembre au Studio EGP (Paris). Romane joue sur Dupont, Stochelo sur Selmer et Eimers.