À ma connaissance, et sauf erreur de ma part, le dernier album de Jean-Philippe Watremez (Mosaïque) remonte tout de même à une bonne douzaine d’années... Autant dire que l’attente de ce nouveau Nymphéas avait de quoi susciter notre impatience et notre curiosité. Mais quand en plus, on connaît par ailleurs la qualité du jeu de ce trop rare et trop discret musicien, force est d’admettre que Nymphéas constitue dans le petit monde du jazz manouche un événement discographique de la plus haute importance !
Au sein de l’AZ duo/trio qu’il forme avec son comparse Darko Andelkovic et le contrebassiste Emek Evki, Watremez s’était surtout concentré ces dernières années sur un répertoire aux influences balkaniques, orientales et jazz acoustique dont il est issu : savoureux mélange généreusement épicé d’où résulte une musique improvisée intense de toute beauté, quelques extraits sur le site du groupe permettent de s’en faire une idée.
Avec ce nouvel album, Nymphéas, le guitariste au style raffiné nous propose lui aussi son retour aux sources qui tombe à pic en cette année du centenaire de la naissance de qui vous savez. Grand connaisseur de l’œuvre de Django Reinhardt auquel il a d’ailleurs consacré avec Max Robin un volumineux ouvrage de recueil, Jean-Philippe avoue une prédilection pour le répertoire des années 40 du génial manouche. Et c’est donc ce répertoire qu’il va largement privilégier sur le disque : ouverture sur le très impressionniste Nymphéas, suivi d’un énergique hommage à la mystérieuse Vette, un expéditif et efficace Belleville, un Lentement Mademoiselle étiré, toujours étrange, avec son prolongement naturel en boléro, et quelques raretés jamais jouées comme le fort bien nommé Oubli et encore ce Stop enregistré une seule fois en 47 et souvent confondu dans les discographies avec Folie à Amphion. Seule concession aux années 30, Sweet chorus dont on appréciera la magnifique introduction Sirius de Jean-Philippe. Quelques standards complètent le répertoire : I saw stars, Billets doux et un très beau How about you partagé avec le violoniste Guillaume Singer qui joue sur trois titres du disque. Watremez est fort bien accompagné par la pompe très droite de Darko Andelkovic et par le contrebassiste Benoit Torres (auteur aussi de quelques sympathiques chorus doublés à la voix). Son jeu nous fait regretter la rareté de ses enregistrements : belle attaque formidablement servie par le son et la réverbération naturelle de sa Favino, articulation et placement irréprochable, aucun plan si ce n’est quelques djangologismes fort bienvenus, et surtout, un sens étonnant de l’improvisation qui tend à se faire rare chez les guitaristes actuels. Bref on le savait déjà, Watremez est un styliste d’exception. Ses échanges avec Guillaume Singer sont particulièrement jubilatoires, on aurait aimé en entendre plus !
Après l’écoute d’un aussi bel album, il reste à espérer que Jean-Philippe n’attende pas douze années de plus pour reprendre le chemin des studios...
1. Nymphéas (D. Reinhardt) 6’54
2. Vette (D. Reinhardt) 4’08
3. Sirius (intro) (J.P. Watremez) 1’22
. Sweet Chorus (D. Reinhardt) 5’20
4. How about you (B. Lane/R. Freed) 5’07
5. Belleville (D. Reinhardt) 2’32
6. Lentement Mademoiselle (D. Reinhardt) 5’33
7. I saw stars (Siegler/Goodhart/Hoffman) 4’17
8. Oubli (D. Reinhardt) 3’22
9. Mélodie au crépuscule (D. Reinhardt) 5’03
10. Billets doux (M. Yvain) 3’29
11. Stop (D. Reinhardt) 3’30
Enregistré en mars 2009 à Ermont.