Waou. Quelle pochette...! Verdines en bois façon "chalet suisse", éoliennes à développement durables de bon ton, énorme quad garé devant, grosses enceintes colonnes et camion Mercedes sur fond de ciel flamboyant... Y’a pas, ça en jette, Aurélien, le leader du groupe Tarné Spilari n’a pas fait les choses à moitié pour illustrer son premier album.
Tarné Spilari, ça signifie "jeunes joueurs" en romanes. Et pourtant, ce quartet n’est pas un groupe de débutants : fondé il y a dix ans par Aurélien Bouly, le guitariste et son copain Sharl Dagan le violoniste, Tarné Spilari a écumé bon nombre de bars de la capitale et "fait le métier" aussi en province, jouant dans les théâtres et les scènes diverses, mais aussi les restaurants, les hôtels et les casinos de France et de Navarre. Quelques premières parties, aussi, et surtout une rencontre, celle de l’acteur crooner Guy Marchand qui va les enrôler un temps comme rythmique dans plusieurs de ses spectacles. Le titre Blue sky sur lequel le chanteur prête ici amicalement sa voix donne une bonne idée de cette association toujours attachante entre crooner et swing manouche.
“Ap i Plasta" est un premier album qui révèle aussi quelques bonnes surprises. D’abord un éclectisme du répertoire revendiqué et assumé par Aurélien, grand admirateur de Dorado Schmitt et de Raphaël Faÿs, qui fait se rejoindre naturellement le swing façon Django (Lady be good, Honeysuckle Rose), et la bossa manouche (Bossa romanes, Manha de carnaval), les standards de jazz (Misty, Blue skies, Harlem nocturne) et les czardas hongroises (Czardas en fa), la valse traditionnelle (La gitane) et la rumba catalane (Cindy, Yo no puedo vivir sin ti). Des surprises aussi du côté des invités : on a cité Guy Marchand sur Blue sky, il y a aussi Laurent Zeller (des Pommes de ma douche) pour un tonique question/réponse de violons sur Lady be good et Michel Randria à la guitare électrique pour un superbe chorus plein de feeling et de délicatesse sur Manha de carnaval. A noter que ce dernier s’est d’ailleurs récemment vu confier avec le bassiste William Chabbey, la place de l’ancienne rythmique composée de Xido Cenier et Florian Arnoud. Et puis ce qu’on aime aussi, ce sont ces petits arrangements inattendus comme la très belle citation de My favourite things tenant lieu de thème sur le titre Ap i plasta, ou l’audacieuse et élagante reprise en boléro de Harlem nocturne.
Pour ne rien gâcher, le jeu des deux solistes est de haute tenue. Sharl Dragan qui joue du violon depuis qu’il sait marcher possède plusieurs cordes à son instrument puisqu’on peut l’entendre aussi bien swinguer comme un beau diable à la Grappelli (Honeysuckle Rose) qu’envoyer des traits dans la plus pure tradition tzigane d’Europe de l’Est (impressionnante Czardas en Fa à deux voies). Aurélien possède lui aussi une technique irréprochable : on sent qu’il aime joué vite (cf I can’t give you au tempo de furieux !) et qu’il a écouté Stochelo et Raphaël Faÿs. Ses chorus généreux, propres et construits font souvent preuve d’invention, et gagnent en intensité sur les balades (beaux accords sur Misty !) et les tempos plus calmes (Harlem nocturne).
Bref, un premier jet éclectique, engageant et très attachant qui sera suivi on l’espère d’une reconnaissance du public que Tarné Spilari mérite amplement !
1. Lady be good (G. & I. Gershwinn)
2. Bossa romanes (Aurélien)
3. Api plasta (Xido Cenier)
4. Cindy (Aurélien)
5. Honeysuckle Rose (F. Waller)
6. Misty (E. Garner)
7. Blue sky (I. Berlin)
8. I can’t give you anything but love (J. McHugh/D. Fields)
9. Harlem nocturne (E. Hagen)
10. La gitane (Tchan Tchou)
11. Yo no puedo vivir sinti ti (J. Chabo Villa)
12. Czardas en fa (D. p.)
13. Manha de carnaval (L. Bonfa)
Enregistré au Studio Tornado (77)