Né à Gand en Belgique à la veille de la seconde guerre mondiale, Francis est marqué dans son jeune âge par la tradition musicale hispano-flamande de son pays natal. A l’adolescence, il prend quelques cours avec un très bon musicien aveugle féru de solfège ; il bricole avec lui un peu de classique mais le jazz l’attire davantage. Etudiant à paris, il s’intègre au milieu des artistes gitans et manouches. Découvrant qu’il peut gagner sa vie avec le bal musette, il quitte Paris pour Poitiers où il est inscrit à la fac et joue le weekend avec l’excellent accordéoniste Henri Coutant pour financer ses études.
- Avec Vivian Villerstein, Sarane Ferret et Pierre Moreilhon (1963)
En 1960, il rencontre Sarane Ferret qui l’engage. « Sarane m’a très vite fait connaître ses frères, surtout Baro avec qui il était très lié. Quand Sarane finissait de bonne heure sa soirée de cabaret, il n’avait qu’une idée c’était d’aller retrouver son frère Baro à « la lanterne » où c’était la fête toute la nuit. Il y avait Montagne aussi…en fait à partir du moment où j’ai joué avec Sarane, j’ai été introduit avec tout le monde « (1). Francis symbolise toute une époque, toute une attitude, une façon de vivre la musique proche de l’esprit voyageur, côtoyant les tsiganes et apprenant à leur contact ( il joue aussi avec Sava Neagu et Lajos Kazanov).
- Avec Lajos Kazanov (1977)
Mais au milieu des années 60, le déferlement yéyé interrompt l’aventure. Francis remise sa guitare, deux ou trois ans pense-t-il alors, le temps de laisser passer le phénomène ; ça durera 15 ans ! Grâce à ses certificats de licence, Francis enseigne alors l’anglais tout d’abord à Nogent le Rotrou puis dans les Deux-Sèvres.
- Avec Matelo Ferret (1985)
A la jonction des années 70-80, il retrouve le chemin de la scène et le public, mais tout est à refaire ; les artistes qu’il côtoyait ont vieilli et il n’est plus qu’un parfait inconnu dans les cabarets parisiens. Francis fonde son propre ensemble « le trio jazz tzigane de France » avec Gilles Parodi à la guitare et Ladislas Gobert au violon, auquel succèderont Nicolas Krassik puis Jean-Christophe Rouet. Francis rencontre le guitariste Patrick Saussois qui produit son premier 33 tours, un disque qui aura une assez bonne presse ; c’est le temps des soirées tziganes et des tournées avec les JMF où Francis présente cette musique gitano-parisienne qui métisse jazz, musette et musique tzigane ; le répertoire alterne thèmes de swing, valses, pièces d’Europe centrale. Dernier héritier direct d’un style capté aux côtés des géants de la guitare tzigane, Francis le renouvelle en l’enrichissant de compositions originales conjuguant sens du thème et de la mélodie : swings endiablés comme Supercarburant, mélodies issues du folklore slave (la vieille verdine), valses (la distinguée ou la chafouine), ballades empreintes d’une certaines nostalgie (Frisson de galerne ou l’infini voyage, son thème fétiche) ; un jazz de charme empreint de lyrisme et de romantisme. Entre deux tournées en France ou à l’étranger, Francis se ressource au manoir de la Croule, une ruine qu’il a achetée du côté de Saumur, dans une région à laquelle il s’est attaché.
Au début des années 2000, en tournée avec son groupe à Oran, Francis se voit demander par la directrice du centre culturel, une idée de spectacle pour l’opéra de la ville. Un an plus tard, le guitariste y retourne avec dans ses bagages « prince et corsaire », une opérette qu’il a écrite en alexandrins, contant les péripéties du fils d’un émir, parant ce genre occidental de parures orientales ; du pur Moerman !
- A La Croule avec Antoine Boyer (2009)
Malade depuis quelques années, Francis ne jouait plus. Bien qu’affaibli et très fatigué, il aura eu l’immense satisfaction d’assister le 12 mai dernier au vibrant hommage que lui ont rendu Boyer père et fils lors du Gypsy festival d’Angers ; Très ému, Francis a souligné combien il était heureux que son univers musical soit perpétué par la jeunesse d’une aussi belle façon.
Personnage attachant, haut en couleurs, ce poète de la guitare aura navigué toute sa vie à contre courant des modes de tous poils, suivant son propre chemin en toute liberté. Salut l’artiste et merci !
Francis Couvreux, chroniqueur pour www.djangostation.com
- Autoportrait à La Croule
(1)article de D Le Guichaoua, « FA Moerman, pour l’amour du swing »Trad magazine