Après une première galette remarquée en 2011 et pas mal de concerts dans la foulée, le jeune Brady, une vingtaine d’années seulement, et déjà un solide métier, a eu la bonne idée d’inviter Martin Weiss, l’un des tous meilleurs violonistes dans le style (on l’a vu notamment au sein du Gypsy Project de Bireli), qui apporte à l’ensemble un équilibre bienvenu, évitant au guitariste mosellan d’être toujours à la manœuvre.
Bien boostés par une rythmique impériale et swingante (Xavier Nicki, contrebasse et Hono Winterstein qui assure une pompe imperturbable), les deux solistes envoient fusée sur fusée ; jeune chien fougueux au style typique de l’école mosellane (solide coup de main droite, phrasé fluide) Brady commence à canaliser son impatience, laissant davantage la musique respirer (cf sur Nostalgia, jolie ballade du saxophoniste russe Igor Butman ou son chorus limpide remarquablement construit sur The sunshine of your smile) ; Quant à Martin Weiss, ses interventions toujours lumineuses conjuguent sensibilité, lyrisme et élégance (cf son chorus sur Blue drag).
Une telle galette aurait sans doute mérité un label ; mais depuis quelque temps, le rapport au disque se modifie, chacun pouvant enregistrer son CD de manière professionnelle en faisant l’économie d’un producteur, d’un label et d’un distributeur ; disponible sur le site de l’artiste, le disque sert de carte de visite pour trouver du travail ; il est aussi vendu après les concerts à ceux qui veulent repartir avec un souvenir de la soirée ; si c’est tout bénèfe pour l’artiste, l’absence d’un vrai producteur se fait parfois sentir ; ici par exemple au niveau du répertoire ; Yiddish mamé et Bei mir bist du Schön, avec Shlomit Butbul au chant, me semblent quelque peu anachroniques dans le contexte ; maintes fois enregistrés et entendus, Chicago, Undecided ou Bei mir bist du schön n’étaient peut-être pas indispensables non plus ; on aurait aimé plus de compos originales (comme Bleu citron, swing enlevé d’Hono, ou Smile on, bossa de Brady) ou de reprises de titres rarement joués, comme cet excellent Rigo Rigo, enregistré jadis par le Hot club the Zigan outre Rhin, sur lequel brille Martin Weiss magnifiquement soutenu par Brady qui, lorsqu’il ne chorusse pas, renforce le drive de la section rythmique (ponctuations, relances, contrechants…) ; côté packaging, les nombreuses petites photos à l’intérieur de la pochette sont quasi illisibles vu le format CD ; Si l’on est en droit d’être exigeant avec de tels artistes, ne faisons pas la fine bouche, car avec eux c’est le top niveau ! Ça joue comme on dit. Vivement recommandé !
1. Savoir-vivre (M. Weiss) 3’06
2. Chicago 2’50
3. Bleu citron (H. Winterstein) 3’00
4. Nostalgia (I. Butman) 4’19
5. Smile on (B. Winterstein) 3’22
6. Blue drag (J. Myrow) 4’36
7. Undecided (S. Robin/C. Shavers) 3’08
8. Bernie’s tune (B. Miller/J. Leiber and M. Stoller) 3’20
9. The sunshine of your smile (L. Cooke/L. Ray) 2’45
10. New-York tempo (M. Weiss) 3’10
11. Yiddishe Mame (trad) 3’26
12. Bei mir bist du schein (J. Jacobs/S. Secunda) 2’52
13. Rigo rigo 2’28
Enregistré à L’Inoul, Luxembourg, les 12 et 13 février 2013. Hono et Brady Winterstein jouent sur des guitares Jean Barault et Di Mauro. Martin Weiss utilise des micros Schertler et joue sur guitare John Voigt.