Elek Bacsik fait partie de ces musiciens, confidentiels, dont la seule évocation du nom suscite chez les connaisseurs un large sourire de béate admiration.
Violoniste de formation, puis guitariste dès 1945, il quitte sa Hongrie natale et, en bon tzigane, parcourt l’Europe, dispensant ses talents de musicien dans diverses formations suisses, italiennes, espagnoles et portugaises avant de s’établir en France en 1959. Il y obtiendra son heure de gloire, jouant autant avec les jazzmen parisiens et les pointures américaines de passage qu’avec des artistes de variété à la notoriété montante : Barbara, Jeanne Moreau, et surtout Serge Gainsbourg avec qui il enregistrera deux superbes albums...
Et puis lui vint l’idée de conquérir l’Amérique... il s’y perdra. Du côté de Las Vegas. Tentant un vain come-back dans les années 70 avant de disparaître dans le plus complet anonymat en 1993.
Heureusement, Elek Bacsik a enregistré quelques disques. Celui-ci est son premier album solo, enregistré en 1962 avec deux sections rythmiques de grande classe : Michel Gaudry/Daniel Humair et Pierre Michelot/Kenny Clarke. Détail intéressant, la guitare est enregistrée en re-recording. Sur un répertoire de standards, et dans un style très américain (où les attentifs pourront y sentir toutefois encore un zeste d’Europe Centrale...), on découvre un formidable guitariste à la virtuosité et à la précision étonantes, au lyrisme flamboyant et au groove exceptionnel. Qualités qui en font certainement l’un des meilleurs guitaristes français des années 60.
Et puis chez Bacsik, il y a aussi le son. A mon goût l’un des plus beau de l’histoire de la guitare électrique (il jouait sur une Guild montée avec assez incongru micro Charlie Christian !). Quelle merveille d’attaque et de clarté !