Ça doit être le 5ème disque d’Armin Heitz depuis son premier opus il y a 15 ans, ce qui n’est pas excessif pour cet excellent guitariste dont on ne parle guère, en tous cas en France ; on ne peut que le regretter à l’écoute de cette nouvelle galette qui est un régal de bout en bout. Ce virtuose de la 6 cordes au phrasé pur et à la très belle sonorité est entouré de deux fidèles instrumentistes de haut niveau, Janosch Dörr, un neveu de Schnuckenack à la guitare d’accompagnement et Davide Petrocca, solide bassiste italien à l’autorité impressionnante qu’on a pu voir aux côtés de Bireli, Martin Taylor, Frédéric Schlick ou Monty Alexander ; prenant un chorus sur quasi tous les titres, conjuguant sonorité ronde et phrasé précis comme s’il jouait de la guitare, (cf son solo sur All of me juste avant l’accélération de tempo et le chorus éblouissant d’Armin) Davide participe activement à l’équilibre du trio.
Cette rythmique puissante offre une assise formidable aux impros toujours inspirées d’Armin qui affectionne les longues phrases sinueuses (cf God father theme), un style coulé et swinguant dont la parenté est à rechercher du côté de l’école ricaine de guitare (Benson, Martino, Pass and co) mais aussi de Bireli, Martin Taylor, Meggy Patay ou Bobby Falta.
Aussi à l’aise sur les ballades (cf son long chorus alternant phrases aériennes et jeu en accords sur little man…) que sur tempo vif (cf le limehouse blues d’enfer), aussi éblouissant à l’électrique qu’à l’acoustique (cf Smile sur lequel il poétise finement), Armin sait nous faire oublier, par une musicalité constante, la haute technicité de son phrasé limpide qui semble couler naturellement comme sans efforts.
Le trio reprend 10 standards qu’il porte à un haut niveau d’interprétation, donnant à quelques titres ultrajoués comme All of me une relecture haut de gamme. Citons quelques morceaux moins convenus comme Minha saudade de Joao Gilberto, Sugar de Stanley Turrentine qui, au début des années 60 enregistrait avec un certain Grant Green, un guitariste qu’Armin a du écouter aussi, ou cette remarquable version de Little mann… ; bonne idée d’avoir repris ce titre jadis chanté par le petit Mirsha avec un certain Django Reinhardt à la guitare. Armin, qui a longtemps joué avec des musiciens sinti allemands comme Wedeli Köhler, Ziroli et Holzmano Winterstein entre autres, paie son tribut à l’illustre manouche (Djangologie avec un exposé original et Troublant boléro) et rend hommage à Didi Winterstein avec Didi valse, valse enlevée de sa composition qui figurait déjà sur son premier disque.
Messieurs les programmateurs on aimerait voir Armin et son trio dans notre beau pays ! En attendant on se contentera de ce disque tout à fait convaincant servi par une remarquable prise de son.
1. All of me (G. Marks) 5’45
2. Troublant bolero (D. Reinhardt) 5’46
3. Limehouse blues (P. Braham) 3’03
4. Little ma you’ve had a busty day (H. Hall) 7’24
5. Sugar (S. Turrentine) 5’45
6. Didi valse (A. Heitz) 1’52
7. Djangology (D. Reinhardt) 3’46
8. Minha saudade (J. Donato/J. Gilberto) 3’52
9. Blues in green (M. Davis) 6’34
10. The godfather theme (N. Rota) 4’31
11. Smile (C. Chaplin) 4’57
Enregistré du 27 au 29 décembre 2010.