Ce 3ème disque du guitariste manouche hollandais est dédié à Fetela Schäfer dont il a épousé la fille ; « Fetela » qui donne son titre à l’album, est une magnifique compo interprétée en solo absolu, (dans la lignée des impros solo de Django Reinhardt), son phrasé à la parfaite articulation conjuguant sensibilité et limpidité ; les quatre autres compositions de Feigeli, à l’inspiration diversifiée, sont du même tonneau : Donni’s blues, le très chantant Mystérieux illuminé par un chorus limpide impérial, le très convaincant Giovanni, une autre occasion d’apprécier la finesse et la décontraction du phrasé de Feigeli ou Rue du bois valse remarquablement envoyée mais qui ressemble tout de même étrangement à Swing valse.
Chez les manouches, la musique est toujours une histoire de famille : Tchawo Adell, le beau frère de Feigeli est à la contrebasse et Sendelo Schäfer, son neveu, à la guitare d’accompagnement (il interprète aussi en solo l’une des impros de Django et son autorité est impressionnante) ; une rythmique au drive exceptionnel, qui n’a pas changé depuis « Gypsy heart » le disque précédent en 2009, et un trio d’une rare cohésion (cf Clouds, le premier morceau du disque : après un brillant exposé du thème par Feigeli, conjuguant sentiment, finesse et élégance, le tempo s’accélère dans un swing d’enfer, Feigeli puis Tim Kliphuis invité au violon envoyant quelques fusées étincelantes). Dès le premier morceau la messe est dite ; la classe de ce pur swing manouche éclate ; le reste est du même tonneau. Outre le très convaincant Tim Kliphuis (cf Mr Paganini, standard des années 30), on croise selon les titres l’excellent André Donni (compagnon de route de Lollo Meier) au sax et à la clarinette, Peter Krijnen, producteur du disque, à la contrebasse, et Nidja Prisor, la fille de Feigeli, qui chante What a little moonlight can do, standard des années 30 et Cry me a river, chanson sentimentale jazzy comme les manouches les affectionnent. Pour le reste, Folie à Amphion et Lentement mademoiselle de Django, Crazy rythm et toujours cette pulsation rythmique implacable et ces chorus inspirés toujours remarquablement construits (cf celui de Feigeli sur Les flots du Danube où sa guitare semble électrifiée).
Bref, vous l’avez compris, voilà un disque incontournable d’un représentant de l’école manouche hollandaise dans ce qu’elle a de meilleur ; un formidable orchestre qu’on aimerait voir en France, messieurs les programmateurs, en 2013 à Samois par exemple, pour le 6O ème anniversaire de la mort de Django Reinhardt.
01. Clouds (W. Donaldson/G. Kahn) 3’47
02. Cry me a river (A. Hamilton) 5’00
03. Folie à Amphion (D. Reinhardt) 3’23
04. Mystérieux (F. Prisor) 2’18
05. Fetela (F. Prisor) 2’39
06. Crazy Rhythm (I. Caesar/J. Meyer/R. Kahn) 3’46
07. Rue du Bois (F. Prisor) 2’02
08. Improvisiation (D. Reinhardt) 3’16
09. What a little moonlight can do (H.M. Woods) 2’56
10. Giovanni (F. Prisor) 4’29
11. Donni’s Blues (F. Prisor) 4’03
12. Mr. Paganini (S. Coslow) 4’25
13. Donauwellen (Ivanovici) 3’29
14. Lentement Mademoiselle (D. Reinhardt) 4’34
Enregistré à Energie Studio, Marlaheide, 2012