Le peintre, guitariste et compositeur Roberto Rosenman est installé au Canada anglophone à Toronto, une cité plus renommée pour sa CN Tower que pour sa scène jazz manouche. Cette scène, disons-le, est pratiquement inexistante en dehors des participants à cet album. Malgré cet éloignement et cet isolement, Roberto Rosenman n’a jamais cessé d’entretenir sa passion pour le swing manouche. Il n’hésite pas à venir régulièrement au festival de Samois-sur-Seine et ce depuis de nombreuses années. Au fil du temps ces déplacements immersifs, riches en échanges, se sont avérés fructueux : le guitariste a ainsi pu puiser à la source de Django et du swing manouche européen (un drive, une attaque…) sans renier ce feeling jazz nord américain, à la mise en place et au swing si souple. Voilà un musicien humble, discret, sachant tout simplement se mettre au service de la musique, à tel point qu’on aimerait l’entendre chorusser encore davantage au cours des 12 titres composants l’album.
« Upstream » ne compte pas moins de 9 compositions originales. Un bel effort de création donc dans ce disque qui n’oublie pas quelques standards bien choisis (« Troublant Boléro », « I’ll Remember April », « What is this Thing Called Love ») et repris avec fraîcheur. L’équipe de musiciens joue avec sensibilité et swing, notamment grâce à la rythmique de Chris Bezant et Jon Meyer sur des tempi particulièrement bien sentis.
Le quartet évolue dans une esthétique au goût sobre et sûr mais sans jamais pour autant sacrifier à l’énergie ou à la tension… autrement dit c’est élégant mais jamais mou. Les titres swing, aux mélodies évoquant parfois le jazz gitano parisien des années 50, se teintent parfois de Hard-bop (avec la trompette de Jake Wilkinson dans « Double Vision ») voire de couleurs latines (« Amanita ») dans des arrangements toujours pertinents. Le violon de Drew Jurecka dialogue habilement avec la guitare de Rosenman en privilégiant la clarté du phrasé sur les effets de manche : un jeu simple et lyrique porté par une belle sonorité.
Les ballades (et c’est à souligner tant elles pourraient à elles seules justifier l’achat du disque) sont remarquablement réussies et originales. « Dance Again », « Into a Dream », « Leaving me to be Blue » mettent en valeur le talent de mélodiste de Roberto Rosenman par les magnifiques textes doux-amers (in english, of course) de Jake Mitchell. Il y flotte comme un parfum de nostalgie ethérée, bercé par le chant impeccable de Barbara Lica : un travail de haute tenue qui peut rivaliser sans peine avec les plus beaux standards.
Notons au passage que cet album est présenté dans un agréable digipak trois volets avec photos des musiciens et textes des chansons.
En bref, le Roberto Rosenman Quartet nous offre l’agréable surprise d’un disque maîtrisé, riche et élégant. A découvrir d’urgence car « Upstream » fait partie de ces rares albums que l’on ré-écoutera longtemps et avec plaisir.
1. Upstream (Roberto Rosenman) 2’25
2. Dance Again (Roberto Rosenman) 3’39
3. Troublant Bolero (Django Reinhardt) 4’04
4. We Together (Roberto Rosenman) 3’20
5. Into a Dream (Roberto Rosenman) 3’27
6. Amanita (Roberto Rosenman) 4’46
7. Double Vision (Roberto Rosenman) 3’25
8. Leaving me to be Blue (Roberto Rosenman) 4’34
9. I’ll Remember April (Gene de Paul) 3’21
10. Piccadilly Swing (Roberto Rosenman) 2’53
11. Blues for Gigi (Roberto Rosenman) 2’52
12. What is This Thing Called Love ? (Cole Porter) 3’43
Enregistré en mai 2014 à Canterbury Music Co.
Mixage : Jake Wilkinson
Mastering : Ady Krehm at Silverbirch Mastering
Label : coproduction Toronto Art Council / Ontario Art Council / Mapl