Après un superbe Djangovision à l'esprit discrètement frondeur, il nous avait proposé l'année dernière en compagnie de Stochelo un très joli et très jazzy “Double jeu” qui n'hésitait pas à abandonner la sacro-sainte pompe manouche au profit d'une rythmique américaine.
La surprise de cet automne et de ce “French Guitar” s'appelle Christophe Cravéro. Etonnant musicien que ce violoniste qui peut lâcher l'archet avec une aisance aussi déconcertante pour s'assoir devant le clavier d'un piano. A moins que cela ne soit le pianiste qui cède sa place au violoniste, tant le musicien déborde de facilité, de virtuosité et de musicalité avec une évidente singularité sur chaque instrument.
- French Guitar
Pour ce qui est du contenu de ce “French Guitar”, on trouvera quelques “french reprises “ bien de chez nous, empruntées à Sacha Distel (superbe “La belle vie”), à Louis Gasté pour un “Soir” subtil et délicat et à Trenet avec un “Ménilmotant” classique et des plus efficaces. Avec “L'hymne à l'amour” de la môme Piaf, on parlera carrément de ré-orchestration tant le traitement audacieux à la “machine à swinguer” de Mr Romane ose transformer la romantique ballade en un swing obsédant. Et comme à son habitude, le guitariste nous réserve quelques talentueuses compositions dont il a le secret, car il faut bien reconnaître que cet artiste là a un vrai style et des idées. Ce qui n'est pas si courant dans cette musique. On aime particulièrement le très chantant (et “trénetique”...!) “Mes jeunes années”, le drive puissant d'un hommage à Montgomery sur “For Wes” (et le blues, le blues... jamais loin quand on parle de Montgomery !), ou encore le frénétique “Swing & Wesson” et son thème surexcité décoché à la gachette de sa six-cordes...
Mais la plus belle surprise de ce disque, ce sont sûrement les arrangements. Une rythmique manouche signée de la maison Reinhardt & Reinhardt & Berne, et qui a l'élégance de s'effacer devant le piano de Christophe Cravero auquel on a réservé une place de choix. Sans jamais tomber dans la redondance, le pianiste distille une rythmique subtile qui s'attache plus nuancer qu'à surchargerla locomotive à swing distribuée par la section de cordes. Périlleux exercice, qui ne semble pas effrayer Cravero qui s'en tire magnifiquement.
Et rajoutons enfin que les deux solistes discutent délicieusement. Pas de bavardage, pas de logorhée, mais de l'échange, l'argumentation, de la controverse, et de la chamaillerie, même... Bref, ces deux ne parlent pas musique... ils en dissertent.