Voilà le nouveau disque (le 3ème ou 4ème en 10 ans) d’un guitariste bien sous-estimé par ici ; il faut dire que Paulus Schäfer vit et enregistre en Hollande, sur de petits labels, des disques qu’on ne trouve guère dans nos contrées et que du coup il se produit (trop) rarement dans notre beau pays ; on a tout de même pu apprécier sa classe à Samois et au gypsy festival d’Angers il y a quelques années. Alors qu’il officiait (et de quelle manière) à la guitare électrique sur ses précédents disques, le voilà cette fois à l’acoustique.

Retour à une instrumentation classique en swing manouche pour ce « twelfth year »produit par le violoniste Tim Kliphuis (Angélo, Fapy, Stochelo…) pour Moncq records, le jeune label de Richard Halmans : guitare solo, violon, contrebasse et guitare d’accompagnement tenue par Nousche Rosenberg, le pompiste du Rosenberg trio (excusez du peu), l’un des tous meilleurs dans le genre. Stochelo, dont Paulus est en quelque sorte l’héritier, vient aussi croiser les cordes avec son cousin sur deux titres ; bref un redoutable quartet à la rythmique béton, renforcée par le drive de Paulus quand c’est Tim qui chorusse, ce dernier très en verve, notamment sur les trois compos de Django (cf les versions endiablées de Black and white ou Festival 48). Le reste du répertoire, d’une grande variété, est choisi avec soin ; des standards bien sûr, Viper’s dream et Clair de lune auxquels l’illustre manouche imprima sa marque mais aussi Sunny, Recado ou She d’Aznavour, ainsi que quelques compos de manouches ou gitans contemporains (For Babs de Titi Winterstein, Paquito de Ninine Garcia et Mimosa de Dorado Schmitt). Paulus signe trois compos très convaincantes (le chantant Niejala, la redoutable Drew’s waltz et Theme for NY, ballade inspirée). Ces formidables virtuoses (cf leurs questions réponses enlevées sur tempo vif) qui n’oublient pas la musique en route, savent aussi poétiser sur les ballades (cf She ou Clair de lune, joliment introduit par un court exposé de Paulus) en conjuguant sentiment et élégance ; c’est aussi le cas sur la merveilleuse interprétation solo par Paulus de Costa de Costa Lukacs, une méditation musicale de haut vol.

Chainon manquant entre Fapy et Stochelo, Paulus ponctue son phrasé chantant à la belle articulation de quelques accélérations foudroyantes ; un style entre tradition et modernité immédiatement reconnaissable. Avec ce superbe album dans le pur style manouche, Paulus Schäfer remet les pendules à leur place comme dit l’autre ! A quand une tournée en France qui repasserait par Samois ?