Amis de la Taverne de Cluny, réjouissez-vous, Le CD de l’Ensemble Zaïti est sorti ! La musique qui résonne tous les lundis dans ce bar à bière du quartier Saint Michel de Paris va enfin s’inviter chez vous. Bon d’accord il n’y aura pas Sébastien Giniaux, Noé Reinhardt, Rocky Greset, David Reinhardt… dans la place comme souvent à La Taverne, mais l’important est de pouvoir enfin retrouver sur CD le swing novateur de ces jeunes musiciens connus pratiquement exclusivement des initiés parisiens. Car, depuis quelque temps, dès qu’on parle de jeunes musiciens talentueux dans la capitale, il y a des noms qui reviennent systématiquement. Parmi ceux-ci, Adrien Moignard fait partie des plus cités et des plus remarqués. A 23 ans, il insuffle un courant nouveau dans ce style de musique basé sur la tradition. Après un passage sur le CD "SELMER #607" regroupant les jeunes pointures du style, Adrien et son Ensemble Zaïti mettent en forme leurs propres arrangements et choix artistiques. Car le swing de ce jeune groupe mélange le swing issu de Django - trois morceaux du CD sont des compositions du maître - tout en saupoudrant le tout d’influence plus récente, plus jazz voir bop. Pour cela les solistes sont propulsés par le drive impeccable de Mathieu Chatelain, un habitué dans le style, à la guitare rythmique et de Jérémie Arranger à la contrebasse. Ils se connaissent bien et cela s’entend. Les contretemps, changement de rythme, relance, break… sont nombreux et fonctionnent à merveille. Pour les solos Adrien est suivi par le saxophone de Cédric Ricard au placement et au swing très jazz.
Alors bien sûr si vous vous attendez à entendre du jazz façon Quintette du Hot Club de France, ce n’est pas le propos ici. Adrien virevolte et passe par un grand éventail de couleur jazz (Wes Montgomery, Parker, Hancock, Coltrane, Pastorius). Ce qui est tout de suite surprenant, c’est sa maîtrise technique toujours au service du morceau. Le placement et le son ont autant d’importance que la virtuosité. C’est ce qui est frappant sur plusieurs titres à des tempi très lents comme notamment le solo de « SOS ». Et ceci reste vrai quand le swing est plus dansant comme sur les très belles versions de « Double Scotch » et « incertitude » (en extrait). Sur « Impromptu » (en 2eme extrait), où le bit par minute s’envole, les orientations sont plus modernes, rappelant le jeu d’un certain Biréli, mais la maitrise est toujours au rendez-vous. Bref un premier CD aux choix engagés qui promet et qui ouvre de nouvelles portes à un style de musique qui parfois tourne en rond.
Il est quand même à regretter, lorsqu’on a connu les ambiances de quelques soirées bœuf à la Taverne de Cluny, le côté un peu froid de l’interprétation et des arrangements de certains morceaux.
En tout cas ces musiciens-là risquent de faire rapidement parler d’eux. Et leur passage au Festival de Samois le samedi 28 juin 2008 devrait confirmer mes dires.
1. Double Scotch (Django Reinhardt) 5’00
2. Lentement Mademoiselle (Django Reinhardt) 6’04
3. Impromptu (Django Reinhardt) 2’57
4. In A Sentimental Mood (Duke Ellington) 7’02
5. Four on Six (Wes Montgomery) 3’06
6. Three Views Of A Secret (Jaco Pastorius) 5’42
7. Incertitude (Babik Reinhardt) 3’28
8. Still Time (Herbie Hancock) 3’28
9. Donna Lee (Charlie Parker) 3’09
10. Naïma (John Coltrane) 3’15
11. SOS (Wes Montgomery) 3’26
Enregistré à Samois en janvier 2008, prise de son, mixage : Mathieu Chatelain