1910, c’est bien sûr l’année de naissance de Django Reinhardt dont on fête aujourd’hui le centenaire, évènement qui au vu de la récente multiplication des hommages n’aura pu échapper à personne... Et avec ce titre, les Doigts de l’Homme qui en sont tout de même à leur quatrième album annoncent clairement la couleur : back to the roots !
Le répertoire des précédents disques mettait en avant les compositions d’Olivier Kikteff ; il privilégie ici logiquement les standards de Django ou ceux d’autres compositeurs dont le génial manouche donna ses propres interprétations. La tendance actuelle des manoucheux est de mettre en valeur un répertoire plus confidentiel de Django Reinhardt, et Olivier Kikteff et sa bande ne dérogeront pas à la règle en reprenant surtout des titres qu’il enregistra peu : une ou deux fois seulement (Appel indirect, Féérie, Blue Lou, Russian melody...), parfois sans même se donner la peine d’un petit chorus (St James Infirmary... où l’accompagnement était déjà, il est vrai, tout un poème !). Ce qui est intéressant ici, c’est que tous ces standards vont passer à la "moulinette hard swing" des Doigts de l’Homme. Une mécanique bien huilée, qui passe surtout par des arrangements de cordes très travaillés offrant une relecture souvent rafraichissante, et parfois franchement inédite des morceaux. On adore ! L’intro à deux guitares de Blue Skies , les tempos inattendus de There will never be another you et d’Indifférence, l’arrangement tout en tension de Russian melody avec la superbe entrée de Stéphane Chausse à la clarinette, les breaks acrobatiques d’Ol’man river, la nervosité du Swing 48 où l’on comprendra combien tension et résolution constituent deux grands fondamentaux de la musique... tout cela est fort bien joué. Olivier signe également trois superbes compositions : Niglo I valse, magnifique et périlleuse valsouze où les hérissons n’ont qu’à bien se tenir, 1910, swing au thème enlevé sur lequel Adrien Moignard vient croiser le fer en distillant quelques impétueuses notes ; au programme aussi sa première vraie fausse Improsture dans la lignée des impros de Django (on apréciera au passage l’humour de l’auteur : jetez un œil aux "djingles" désopilants de son myspace...!).
Enfin, on remarquera sur ce nouveau disque des Doigts l’espace accordé à Benoit Convert qui chorusse sur quasiment tous les titres : on s’en réjouit, car Benoit est un incroyable soliste au style déjà très affirmé qu’on a pour le moment encore trop peu entendu sur disque. Depuis son arrivée la musique des Doigts de l’Homme a d’ailleurs gagné en ampleur et en densité. Et surtout, avec deux solistes de cette trempe, on vous laisse imaginer la qualité échanges et des question/réponse qui fusent sur tout l’album... Ça joue "monstrueux", mon frère, comme on dit...! Même s’ils ont déclaré sur un précédent disque qu’ils ’n’iraient pas à Samois, les gars, on vous y attend quand même cette année. Et de pied ferme !
1. Blue skies (I. Berlin-argt Alcocer) 4’38
2. Ol’ man river (J. Kern/O. Hamerstein-argt Convert) 3’41
3. Niglo I waltz (O. Kikteff) 3’08
4. Appel indirect (D. Reinhardt-argt Kikteff) 2’37
5. 1910 (O. Kikteff) 4’10
6. St James infirmary blues (trad.-argt Kikteff) 4’22
7. I’ve found a new baby (S. Williams/J. Palmer-argt Kikteff) 3’06
8. Boléro (D. Reinhartd-argt Convert) 3’49
9. Féérie (D. Reinhardt-argt Kikteff) 2’10
10. Indifférence (T. Murena/J. Colombo-argt Kikteff) 5’37
11. Blue Lou (E. Sampson/I. Mills-argt Kikteff) 3’44
12. Russian melody (L. Knipper-argt Convert) 5’15
13. Improvisation n°2 (D. Reinhardt-argt Alcocer) 3’35
14. Swing 48 (D. Reinhardt-argt Blum) 4’12
15. There will never be another you (H. Warren/B. Gordon-argt Kikteff) 3’47
16. Minor swing (D. Reinhardt/S. Grappelli-argt Kikteff) 3’24
17. Improsture n°1 (O. Kikteff) 2’43