Eh oui... Il fallait s’y attendre. Depuis sept ou huit ans que Biréli Lagrène taquine les Argentines jusqu’à plus soif, lui qui joua avec tant de plaisir et de talent avec des gars comme Pastorius, Larry Coryell ou John McLaughlin, il fallait bien qu’il s’en lasse, un jour, des mineures harmoniques et des montées chromatiques.... Et pour consommer ce désaveux (qu’on imagine sans peine éphémère...), voilà donc qu’il nous sort un Electric Side qu’on sentait bien venir.
Electric Side, ou l’art de se faire plaisir... Car il s’agit bien de ça. Plaisir de revenir à ses premières amours adolescentes et fusionnelles, pleines de lignes de basses électriques démentes et de rythmes binaires de furieux. Plaisir de revenir à des guitares plates et saturées, oubliées un peu trop longtemps. Et puis surtout, plaisir de faire jouer de jeunes musiciens plutôt talentueux, et monstrueux de technique (et oui, on est dans la fusion...). Comme par exemple l’impressionnant batteur Damien Schmitt, ou surtout le nouveau jeune prodige de la basse à cinq cordes Hadrien Ferraud. Si on vous dit que ce gamin de 24 ans, "pastorien" en diable est le sideman attitré de Chick Coréa et de John McLaughlin, ça vous pose tout de même le bonhomme, non...? Biréli est d’ailleurs tellement content de faire jouer cette jeunesse que, étonnamment discret sur le disque, il en oublie lui même de chorusser ! Même si on adore le jeu d’Hadrien Féraud, mis ici très en valeur et c’est tant mieux, on aurait aimé entendre quand même un peu plus notre leader...
Maintenant, qu’en est-il de l’ensemble ? Certes, ça joue "terrible", avec beaucoup d’enthousiasme, une mise en place impeccable, et chaque intervenant a son moment de gloire. Et Biréli a aussi certainement ré-écouté ses vieux vinyls de Weather Report et des Yellowjackets pour s’en inspirer. Mais reconnaissons que le jazz rock ici proposé est tout de même très daté années 80... Alors certes, un DJ a été convoqué pour l’occasion afin d’apporter à cette musique une touche plus actuelle ; mais Afro Cut Nanga semble malheureusement un peu perdu au milieu de ces virtuoses, et ses interventions pluôt hasardeuses (quand elles ne sont pas carrément lourdes) n’amènent finalement qu’une fausse modernité à l’album. Ce son un peu vieillot (quelle lourderie des synthés dont aucun pitch ne nous est épargné...!) serait-il du au répertoire quasiment entièrement emprunté aux deux disques Blue Note de Biréli des années 80 Inferno (1987) et Foreign Affairs (1988)...?
Ceci étant dit, même si on attendait mieux des nouvelles noces électriques de Biréli Lagrène, ses interventions guitaristiques restent toujours de grande qualité : impressionnant de feeling et de technique, très musical (étonnamment "bensonien" sur Hips house), c’est un réel plaisir de retrouver le guitariste dans un registre trop longtemps abandonné ou il excelle et à l’évidence exulte de plaisir... Mais en attendant un nouvel album électrique plus convainquant de notre Biréli adoré, on vous conseillera plutôt dans le genre le dernier Yellowjackets avec Mike Stern en guest !
1. Hips (B. Lagrène) 5’40
2. Incertitude (B. Reinhardt) 4’55
3. Thimothée (B. Lagrène) 9’21
4. Jack Rabbit (H. Hancock) 2’33
5. Clair obscur (Hadrien Féraud) 4’37
6. Foreign affairs (B. Lagrène/Koono) 8’06
7. Josef (B. Lagrène) 7’12
8. Berga (B. Lagrène) 7’41
9. Hips house (B. Lagrène) 7’48
Enregistré de 9 au 12 janvier 2008 au studio Sextant (Malakoff). Biréli joue sur une archtop Stephan Hahl et sur une Strat Fender.