20h20. Nuit noire. Je traverse Paris en moto. Il fait 0°C. Mon squelette tremble sous ma peau.
En arrivant sur les quais, on ne voit pas à plus de 10 mètres. La brume est tombée. Sale temps pour une rencontre.
Une silhouette se détache d'un lampadaire, me jette un oeil et se lance sur le pont d'un vieux rafiot accosté sur les berges. Je lève la tête... "Guinguette Pirate"... voilà qui promet.
Je pousse la porte, et me plonge dans un nuage de fumée. Ca tangue.
Je me dirige vers l'avant du navire, quand je sent la présence de trois gus qui me suivent.

Le premier me frole et se place en face de moi. Il rajuste son chapeau mou, rallume son vieux mégot, et d'un geste sûr et précis, empoigne sa six cordes.
C'est à ce moment là que tout devient flou. Tout va très vite. Minor swing, le premier choc, le trou noir. Je me souviens de la gitane à un rythme éffréné, puis ils m'achèvent avec le Boléro de Ravel version thème à la contrebasse et cavalcade swing...
Ils ne respectent vraiment rien !
A trois sur moi avec cette énergie, je ne pouvais pas m'en sortir. Leurs compositions ne vont rien arranger à l'histoire. Original, inventif, avec un gratteur d'élite comme Kikteff je n'avais aucune chance...
En sortant, encore sonné par les trois lascars, une main m'agrippe... Un vieillard me glisse d'une voix usée...
"TOI AUSSI T'AS PRIS LES DOIGTS DE L'HOMME DANS TA FACE !!!!"